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The killer inside me

Littérature noire

Un autre Eden : on dirait le Sud... dans les années 60

James Lee Burke est si profondément ancré dans le paysage du roman noir, et de la littérature, que l'on oublie parfois à quel point il est bon, à quel point son style est précieux, ses histoires comme des petits bonbons. C'est vrai qu'il a connu une période un peu moins inspirée, sans doute au début des années 2000 avec Dernier tramway pour les Champs-Elysées ou La descente de Pegase. A moins que le lecteur soit blasé ? Et puis en 2011 il avait sorti un nouveau joyau : La nuit la plus longue, revenant au devant de la scène du polar. Depuis, il reste sur ce niveau de qualité avec Swan Peak ou Robicheaux. Comme lui, son personnage vieillit, se montre crépusculaire.
Mais James Lee Burke a un autre atout que Dave Robicheaux dans sa main : Aaron Holland Broussard. Personnage largement autobiographique initié dans La maison du soleil levant et vraiment révélé dans l'incontournable Les jaloux.
Toutes ces lignes énamourées et peut-être superflues pour dire qu'un nouveau James Lee Burke est toujours un événement. Un autre Eden reprend donc le fil de la vie d'Aaron Holland Broussard non plus à Houston dans les années 50 mais à Trinidad, Colorado, en 1962. Eden parce qu'Aaron a trouvé du travail comme journalier dans une vaste ferme, avec deux compagnons tels des apôtres et aussi parce que Jo-Anne, jeune fille travailleuse et artiste, a su prendre son coeur. Il va de soi avec l'auteur que rien n'est vraiment rose : les Vickers, père et fils, témoignent de la permanence du mal en tous lieux. C'est le crédo de Burke : notre humanité est cosubstantielle d'un appétit pour détruire, tuer, violenter. Au fil de ce roman, qui mêle premiers hippies et trafic de came, des personnages vont tour à tour raconter leur confrontation au mal : il y a Coton qui a pourchassé des SS pendant la guerre jusque dans les caves du Vatican, il y a aussi la Corée d'où Aaaron est revenu sans son meilleur ami, on évoque aussi la bataille de la Somme. Mais, en vrai représentant de la classe ouvrière, l'auteur cite à plusieurs reprises le massacre de Ludlow, à une vingtaine de kilomètres de Trinidad : 26 mineurs grévistes tués par la Garde Nationale.
Peut-être qu'Un autre Eden est un cran en dessous des Jaloux. Quoique. La poésie de James Lee Burke, son attachement aux hommes et aux femmes, sa manière de raconter l'humanité, font de ce nouveau roman un autre classique du genre, une autre histoire de l'Amérique et de ses habitants. Cet homme est un des derniers géants et on ne peut pas se lasser de son oeuvre, renouvelée et pourtant si fidèle à ses premiers engagements.

Un autre Eden (Another kind of Eden, trad. Christophe Mercier), ed. Rivages, 263 pages, 22 euros
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