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The killer inside me

Littérature noire

Cauchemar : et David Goodis entra dans la légende

Pour l'anecdote, quelques années avant internet, à la fac de lettres d'Aix-en-Provence, la bibliothèque offrait une salle vidéo à qui voulait bien la réserver. Il n'y avait pas la foule. Pour les étudiants en cinéma, c'était tout de même l'occasion d'échapper à tous les cours sur Eric Rohmer. Donc dans cette petite pièce, avec magnétoscope, casque, on choisissait dans un lutin parmi trois ou quatre cent films enregistrés au ciné-club des chaînes publiques. La section polars était notamment riche de toute l'oeuvre ou presque de Bogart. Voilà comment on arrive aux Passagers de la nuit de Delmer Daves (La flèche brisée aussi), tiré de Dark passage, ou Cauchemar en français, de David Goodis.
Roman donc mythique qui inspira ensuite, sans que les studios le reconnaissent formellement, la série Le fugitif. Il faut bien avouer que la matière est simplement formidable : Vincent Parry, un homme ce qu'il y a de plus commun, honnête, se voit accuser et condamner pour le meurtre de sa femme. Elle est retrouvée le crâne fracassé par un cendrier sur lequel les empreintes du malheureux Vincent apparaissent. Mieux, la meilleure amie de l'épouse a recueilli ses derniers mots et elle désignait le mari. Vincent Parry prend perpète à San Quentin, fameuse prison au nord de San Francisco. Mais dans un sursaut de volonté, le voilà qui s'évade et, sur la route, se retrouve pris en voiture d'abord par un homme ambigu, qu'il assomme, puis par Irène Janney bien décidé, elle, à le sauver après avoir assisté à son procès.
Le génie de ce roman, c'est d'abord ce statut de victime du principal accusé. Un entre-deux qui voit le lecteur prendre très vite fait et cause pour Vincent Price. Parce que celui-ci se confie, explique son innocence, " il avait toujours désiré un bonheur simple et très ordinaire... " Le cauchemar, pour lui, ce sont finalement les femmes ! Gert qu'il a épousée mais qui le méprisait, l'humiliait, le tondait comme un mouton. Et puis Madge, cette "amie" qui le veut dans son lit et, face à son refus, va devenir pire qu'une ennemie. Heureusement, dans ce tableau, il y a Irène, vraie sainte.
David Goodis a aussi réussi à faire transpirer la paranoia de son personnage principal dans chacune de ses rencontres. Avec le premier homme qui le prend en stop, avec Irene, lorsque les policiers font un barrage routier, puis avec le chauffeur de taxi. Avec son visage qui s'affiche à la Une des journaux, il sera forcé de prendre une décision radicale. Mais dans cette fuite, il est tout proche de sombrer dans la folie.
Sorti en 1946 aux USA, publié en 1949 en France, Cauchemar mériterait sans doute une nouvelle traduction ou du moins un texte comme l'on dit "revisité". Cela n'en reste pas moins un classique envoûtant, un deuxième roman qui a signé le début tonitruant de la carrière de Goodis.
Pour en revenir une dernière fois au film, il existe une chaîne youtube Then and now, qui compare les lieux de tournage de l'époque et d'aujourd'hui de plusieurs grands classiques. Celui sur Dark passage est assez réussi.

Cauchemar (Dark passage, trad. Noël Chassésriau, Gilles Malar et Minnie Danzas), ed. Folio, 279 pages, 9, 40 euros
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