Littérature noire
3 Juin 2024
Bien entendu des histoires de braqueurs, des contes modernes sur le membre d'un gang obligé de renouer avec ses anciens partenaires, des entourloupes au trésor planqué, tout cela est déjà passé sous nos yeux de lecteurs compulsifs. " Tout a déjà été écrit, mais pas par moi " pourrait ainsi plaider Christian Roux. Il a raison.
Son Fille de est autant un hommage, qu'un clin d'oeil à la galaxie du roman noir. Tout y est. Et d'abord Sam, ou Samantha. Jeune fille de 26 ans, mécano hors pair, pilote façon Drive et plutôt agréable à regarder. Evidemment, elle a du caractère. Ce qu'avait peut-être son père, Antoine. Mais après sa crise cardiaque, le braqueur a du mal à s'exprimer et même à marcher. Pour compléter le trio il y a Franck, partenaire de casses, d'embrouilles pendant deux décennies et qui vient de purger huit années après leur dernier coup raté. Aujourd'hui, et sous une menace à peine voilée, il demande à Sam de retrouver son père et de lui faire avouer, si sa mémoire veut bien, où se trouve le magot de cet ultime braquage de bijoux. Et voila la jeune mécano partie pour un road trip avec un père abîmé, qu'elle avait fui après une grosse divergence d'opinion sur l'assassinat de son chéri.
Christian Roux, en bon musicien, fait donc ses gammes et s'offre quelques libertés avec le thème. L'image de ce père réduit, mutique, lavé, nourrit par sa fille distille une relation paradoxale, durant laquelle Sam ressasse les bons et les (très) mauvais moments de son enfance, de son adolescence. L'occasion, évidemment, pour le lecteur d'embrasser l'histoire de cette drôle de famille. De Cassis à l'Auvergne, la Normandie, le road trip tisse ce face à face, agrémenté d'une scène de poursuite, d'une scène de dégoupillage dans un restaurant (joli moment avec la goutte de Givenchy...) et puis aussi quelques grammes de 9 mm pour taper la mesure.
La prose de Christian Roux touche là où il faut et excelle dans ces personnages féminins courageux ( voir Elise dans Que la guerre est jolie). Surtout, Fille de allie le rythme, bien sûr avec un road trip c'est la base, l'intrigue et une vraie dose d'humour décalé, voire de mise en abyme. L'auteur s'amuse mais n'oublie pas son histoire, livrant un final riche en adrénaline. Tout cela ronronne férocement comme une bonne vieille Alfa Romeo.
Fille de, ed. Rivages, 153 pages, 20 euros