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The killer inside me

Littérature noire

Boomerang : 82 pièces d'or et des requins dans les eaux cubaines

Tony Santa Cruz aurait pu être un surfeur, adulé de toutes les femmes, avec son regard clair, ses larges épaules, ses cheveux blonds. S'il avait été Californier. Or, il est Cubain et pour gagner sa vie, il compte sur ses capacités pulmonaires pour ramener du beau poisson qu'il vend dans les restaurants de Miramar, à La Havane. Un jour qu'il tente de tirer un mérou de trente kilos en profondeur, sa flèche se plante dans du corail. Quand il la sort, une flopée de pièces en or tombe. Les eaux cubaines recèlent quantité d'épaves de l'âge des colonies et Tony vient de mettre la mains sur des fadriques, un écu de l'époque espagnole, frappé en peu d'exemplaires. Il en sort quatre-vingt-deux des eaux et va en vendre un pour tester le marché. Avant d'en proposer une première vingtaine pour financer son projet de quitter Cuba, avec sa chère mère. Face à lui, il a un premier requin qui, apprend-il trop tard, vient de l'escroquer de plusieurs centaines de milliers de dollars sur la vraie valeur de ce trésor. Sanguin, Tony va lui faire passer le goût des mojitos. Doté d'un beau pécule, il organise son exil, clandestin forcément dans les années 80, avec l'aide la pulpeuse Margaret, une journaliste venue écrire sur les traces d'Hemingway. Mais non, les pièces de Tony ont vraiment attirer les requins les plus cruels...
Voici l'une des rares traces de Justo Vasco (1943-2006) en langue française. Auteur havanais, il fut notamment, avec Paco Ignacio Taibo II, coordonnateur de la Semana Negra de Gijon. Après un premier roman à quatre mains avec Daniel Chavarria, Completo Camaguey, ils écrivirent Primero Muerto avec ce même personnage fascinant et ambivalent de Tony Santa Cruz. Pour Boomerang (publié en 1999), les deux hommes se passent donc une nouvelle fois la plume. La première partie, écrit du point de vue de Tony, est truffée d'expressions cubaines, de discussions où l'on n'entend que le narrateur, ça parle, ça jacasse même, le flot est continu et c'est un petit bonheur de vie havanaise, pimentée par ce Tony, débrouillard, protecteur d'une mère qui a sué sang et eau toute sa vie, amoureux de cette gringa tombée du ciel. Puis Chavarria (1933-2018), l'immense auteur d'Un thé en Amazonie ou de l'aventure de La sixième île, prend la suite pour raconter la vie folle et violente de Margaret. 
Structuré comme un 3 4 3, voué à l'attaque, Boomerang fait chuter le lecteur de scènes de sexe, en moments de pure violence, passant d'une paire de fesses rebondies à des coups de batte de base ball plein fer !
Un polar vengeur, méchant, immoral où il s'agit de démerde pour un Cubain sans le sou comme pour une femme ambitieuse et, elle aussi, un tantinet psychopathe. Surtout, on retient ce style parlé enchanteur, drôle, imagé qui donne une vraie couleur. Avec un sacré travail de traduction sans doute.

Boomerang (Contracandela, trad. Jacques6françois Bonaldi), ed. Rivages, 300 pages, 8 euros
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