Littérature noire
29 Juillet 2024
Il y a des romans dans lesquels le lecteur se dit, au bout de 50 pages, " bon on va où là ? ". Avec L'usine à lapins de Larry Brown, la question se pose aussi à la centième page, à la cent-cinquantième et, finalement, jusqu'au bout tant le dernier roman publié par l'auteur d'Oxford, Mississippi, ne répond à aucune question classique et n'offre aucune intrigue véritable. Larry Brown pose sa plume à Memphis et appelle une vingtaine de personnages au cours d'une centaine de chapitres. L'unité de lieu, l'unité de temps est la même mais on ne sait jamais si L'usine à lapins va suivre Arthur le retraité en panne d'érection, Domino, le repris de justice psychopathe qui vient de renverser un cerf de Virginie, ou encore Anjalee, la belle call girl abandonnée ou pourquoi pas Mlle Muffett gouvernante de son état et sa prothèse de jambe, voire le chien dont elle s'occupe, coupable de pollutions nocturnes. Le lecteur est déboussolé dans cette narration. Mais pas perdu. A l'image du scénario de Pulp Fiction, il passe de personnage en personnage, certains sont connectés, d'autres pas du tout. Mais il y a une cohérence.
Et dit ainsi, il est impossible de résumer L'usine à lapins. Tout démarre avec un règlement de compte chez un barbier. Mais le tueur à gages s'est trompé de cible. Son commanditaire, un caïd, le transforme en steaks pour un zoo accueillant de vieux lions fatigués. Et celui chargé de la livraison, c'est donc Domino. Le prénom Domino est-il choisi au hasard ? En tous les cas, c'est une cascade de meurtres, d'accidents, de poursuites... et d'amours.
Au regard de Joe ou Sale boulot, ce texte-là est aux antipodes, se voulant, finalement, un peu plus léger, proche parfois de la comédie, ce qui est très loin d'être le cas des deux précités. On peut regretter une petite longueur mais peut-être cela est-il lié à ce sentiment de ne pas pouvoir se fixer sur une ou l'autre des nombreuses histoires à l'intérieur du roman. Larry Brown n'en montre pas moins un grand sens de l'observation de ses semblables, dans une construction incroyable.
L'usine à lapins (The factory rabbit, trad. Pierre Furlan), ed. Gallmeister, 413 pages, 10, 90 euros