Littérature noire
16 Juillet 2024
Il y a chez Denis Soula cette douce humanité que l'on retrouve par exemple chez Marc Villard. Des histoires d'hommes et, surtout, de femmes de tous les jours, pris et prises dans les affres d'un quotidien jamais facile quand on appartient à cette fameuse classe moyenne. Ou lorsque l'on est, encore plus complexe, un étranger sans papier. C'est le cas de Jiordan. Nigérian, c'est un guitariste de haut niveau, ancien partenaire de Fela Kuti, rompu à toutes les scènes d'Europe et qui, un jour, pour les beaux yeux d'une Argentine croisée en France, s'est arrêté à Paris. Depuis, il joue dans différents groupes, tape le boeuf au New Morning et donne des cours de musique dans l'école de son quartier. C'est là qu'il rencontre Claire. Enfin, drôle d'endroit pour une rencontre comme on dit souvent. Lors d'une descente de police musclée, Jiordan se fait embarquer, non sans avoir balancé une belle pogne à un membre des forces de l'ordre tandis que Claire en a giflé un autre. Centre de rétention pour l'un, rappel à l'ordre pour l'autre. Et tous deux vont se revoir, forcément.
Alors écrit comme ça, peut-être que c'est léger. Mais avec les mots de Denis Soula cela prend une toute autre envergure heureusement. Premier de ses courts romans parus chez Joelle Losfeld, Mektoub est bien entendu différent de ceux qui suivront mais ressemble en fond à Un amour électrique pour ces sentiments naissants, ce frisson du premier regard, ces palpitations incontrôlables. Oui, Denis Soula connaît les choses du coeur et les peint avec une belle pudeur. Y compris, comme ici, dans les ruptures.
Et puis Denis Soula, qui est définitivement un bon gars, s'y connaît en musique on le sait et navigue là dans des eaux improbables entre Fela donc et Bob Dylan, presque un maître à penser pour Claire. L'irruption des paroles est toute en finesse jamais envahissante et donne un vrai cachet, peut-être même du réalisme dans ce personnage féminin.
Comme ces autres opus chez cette éditrice, cela se lit en une bonne journée, parce que c'est court mais surtout parce que c'est vivant, rythmé et, encore une fois, d'une humanité douce mais combative.
Mektoub, ed. Joelle Losfeld, 122 pages, 13, 50 euros