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The killer inside me

Littérature noire

Iain Levison, le pole dance et les tourments de la justice US

Il y a une signature Iain Levison : ce talent pour mettre des personnes lambda dans des situations sinon folles, au moins très inhabituelles. Jake qui devient d'un coup tueur à gages dans Un petit boulot. Ou le vétéran du Viet-Nam obligé de mentir pour soutenir un de ces anciens soldats dans Pour services rendus. Et bien entendu Sutton, le chauffeur de taxi dans la panade judiciaire avec Arrêtez-moi là. Il est encore question de justice avec Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques (le titre américain est moins fun : The whistleblower), neuvième roman qui voit Justin Sykes, avocat de l'aide juridique, tenir une permanence au Kitties, une boîte de strip, proche de l'aéroport de Philadelphie. Marcus le malfrat qui tient la boîte a un argument imparable : l'heure est payée mille dollars ! Cash.
Pour tout le monde, une telle manne tomberait comme le fromage sur les lasagnes mais pour Justin, le contrat ne s'arrête pas là : il doit en plus dormir ensuite dans le motel, en face du Kitties, de Marcus. Pourquoi ? C'est une question qui ne se pose pas : ça fait simplement partie du deal. Et les 1000 dollars aident à accepter cette partie hôtellerie.
Vu les maigres problèmes juridiques des stripteaseuses, Justin peut se concentrer sur le procès qui l'attend : un sans abri surpris en train de cambrioler un magasin d'alcools. Le type est récidiviste certes mais le procureur-adjoint, pour une fois, ne veut rien négocier et réclame six ans de prison. Pour une bouteille de bourbon ? Et alors que le malheureux s'est prix une rouste par les policiers ? Ce n'est pas dans les habitudes de ce très médiocre représentant de l'accusation de vouloir ainsi aller au procès. Justin suppose qu'il y a une élection au poste de procureur qui se profile. Et le pauvre voleur alcoolique risque d'être un exemple...
Avec son style faussement détaché, Iain Levison observe encore une fois avec une grande lucidité ses contemporains. La relation avocat-danseuses est évidemment savoureuse, la relation de Justin avec Marcus et sa bande est également aussi drôle que tendue, mais in fine, c'est bien du fonctionnement de la Justice américaine dont parle Levison. Justin Sykes se retrouve à l'aide juridique parce que, avocat brillant embauché par un géant de l'agro alimentaire, il a dénoncé un scandale écologique et s'est retrouvé persona non grata. Dans son quotidien, il voit la misère sociale et doit compter sur le hasard de la désignation des juges pour espérer un peu de clémence : " ça fait onze ans que j'essaie de sauver le monde, et le monde continue de courir à sa perte. "
Comme d'habitude, Iain Levison démontre une vraie tendresse pour ces danseuses, ces voleurs miséreux. Et il met quasiment au même niveau de répulsion ce procureur-adjoint crétin et ambitieux avec les gangsters du Kitties. Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques, c'est encore une fois une histoire d'Américains et d'Américaines qui essayent de s'en sortir, avec des moyens pas forcément très catholiques. Et ça aussi, c'est la signature Levison : aux côtés des galériens de ce pays, " les pauvres sont beaux aussi, ça dure moins longtemps, c'est tout. "

Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques (The whistleblower, trad. Emmanuelle et Philippe Arronson), ed. Liana Levi, 238 pages, 22 euros
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D
Bonjour, ce roman m'attend, je me le suis procuré récemment. Les romans de Levison ne m'ont encore jamais déçue. J'aime son humanité pour les personnages sans relief mais tellement humains. Bon après-midi.
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W
J'ai trouvé qu'il s'essoufflait un peu sur celui-ci. Manque de crédibilité dans le scénario, un peu moins d'humour et fin bâclée, cela dit vivement le prochain !
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T
J'avoue qu'après Un voisin trop discret, que j'avais trouvé incroyable, ce n'était pas facile. Le manque de crédibilité ? Oui. Mais on se souvient d'Ils savent tout de vous hein ? Il y a toujours un côté improbable. En revanche, c'est clair qu'il y a moins cet humour, il aurait pu creuser ça avec les filles du bar mais peut-être que la pudeur...