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The killer inside me

Littérature noire

Les vitamines du bonheur : la vie, dans sa simplicité et ses douleurs

" Le mors est lourd et froid. Si on avait ce truc entre les dents, je vous jure qu'on pigerait vite. En sentant tirer sur le mors, on saurait que le moment est venu. On saurait qu'on va quelque part. "
Dans le recueil Les vitamines du bonheur, chaque lecteur a le loisir de piocher la nouvelle qui le touche, les huit, dix pages qui bousculent. Et La bride, avec son histoire de famille paysanne expulsée par les huissiers, réfugiée dans un motel, avec sa petite vie autour de la piscine, les confidences de la mère lors d'une séance de coiffure... La bride donc a tout pour faire un origami avec nos petits coeurs.
Pourtant Raymond Carver ne cherche pas à tirer une larme au cours de ces douze histoires, son champ n'est pas celui de l'émotion, en tous les cas, pas directement. Parce que, forcément, en contant la vie des Américains et des Américains de la working class, il ne verse guère dans les épopées glorieuses. On parle ici de centre de désintoxication, de parents qui viennent de perdre leur enfant, d'un père qui ne sait pas s'il veut revoir son fils... Carver pose ses personnages dans le clair-obscur de la vie et les laisse évoluer librement, très loin des conventions et c'est ce qui rend Les vitamines du bonheur tellement touchant. Sans jusqu'à parler de vérité, il y a cette sincérité, très américaine aussi, de dire juste les choses, sans en faire des tonnes, de rester sur les faits et surtout sur les accidents de cette vie que l'on ne maîtrise souvent pas. Et Carver impose à sa plume cette même discrétion : " je vois la femme s'arrêter et mettre le frein à main. Je vois JP ouvrir la portière. Je la regarde descendre, et je les vois s'embrasser. Je détourne les yeux. Puis je les regarde de nouveau. JP la prend par le bras et il monte ensemble. Cette femme, elle a casse le nez de son mari, un jour. Elle a deux gosses et des tas d'emmerdes mais elle aime cet homme qui la tient par le bras. "
Lire Carver, c'est observer les hommes et les femmes de ce monde dans leurs luttes pour vivre et s'aimer. Rien de facile mais le superbe est parfois dans ce petit rien.

Les vitamines du bonheur (Cathedral, trad.Simone Hilling), ed. de L'Olivier, 254 pages, 15, 20 euros
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