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The killer inside me

Littérature noire

Les enchanteurs : James Ellroy, 76 ans, toujours sous dexedrine !

" Jack Kennedy a dit : " Freddy, espèce de fils de pute. "
Il portait un pantalon beige et un polo, de vieilles chaussures bateau et des lunettes de soleil. Il a allumé un cigare et m'a soufflé la fumée au visage.
J'ai dit : " Salut, Jack, ça boume mon pote ? "
Il a dit : " Un peu de respect. Tu m'as racketté espèce d'enculeur de chameaux. Je devrais lâcher une bomber A sur Beyrouth juste pour te remettre à ta place...
"
Après décembre 1941 dans Perfidia,  et 1942 dans La tempête qui vient, James Ellroy poursuit sa chaotique exploration de Los Angeles à l'été 1962 avec Les enchanteurs. Bon ? Moins bon ? Classique ? Soyons direct : le Dog relève sacrément la tête après un précédent opus un peu foutraque. Il faut dire qu'ici, il se retrouve plutôt  en terre connue avec les deux frères Kennedy, Bobby et JFK, dit Jack chez les Américains. Et puis Les enchanteurs, c'est aussi la mort d'une femme, rien moins que Marilyn Monroe et tout le monde sait que si vous mettez le cadavre d'une dame dans les mains d'Ellroy il en fait une tragédie punk et shakespearienne, avec amphétamines à gogo, amours bisexuels, passage par les foyers d'orphelins et rêves de grandeur. Enfin, le personnage principal est donc Freddy Otash, incarnation de la folie californienne de cette époque, pervers, violent, toxico, manipulateur. Les lecteurs se souviennent du très court (pour une fois) Extorsion qui présentait ce journaliste à scandales, détective et flic, tout en un sans doute commun de la Ville des anges en ces belles années.
Ici, Otash est employé parla crapule Jimmy Hoffa pour surveiller et espionner Marilyn Monroe et prouver ses liens avec le président Kennedy. Un bon moyen de pression et un argument de négociation pour Hoffa qui sent l'étau de la Justice se resserrer. Sauf que le 4 août 1962, Marilyn Monroe clamse d'une overdose de médicaments. Et qui vient trouver Otash ? Ce bon vieux Bill Parker, historique chef de la police déjà croisé dans les deux précédents volumes. Lui attend que JFK le nomme comme promis à la tête du FBI à la place d'Hoover. Et il aimerait, lui aussi, avoir quelques infos sur la liaison Monroe-Kennedy, pour faire, de la même façon, valoir ses droits. Mais ce n'est pas aussi simple heureusement : Bobby Kennedy, procureur fédéral, sait que Freddy Otash et ses gentils camarades ont balancé un bonhomme, coupable d'enlèvement il est vrai, depuis une falaise. Et donc Bobby, pour passer l'éponge, aimerait que Fred O. détourne les soupçons qui pèsent sur le frère à la Maison Blanche...
Pas moins de trente-cinq personnages ornent ces Enchanteurs, et comme à son habitude, personne de vraiment noir ou blanc, personne de profondément vertueux, à part sans doute les victimes une fois encore. Le génie d'Ellroy, c'est toujours de faire toucher cette ville et son ambiance de stupre d'après-guerre, une libération sexuelle totale, avec soirées échangistes, spectacles d'ânes et relations libres. Le tout arrosé de gélules, cachets et rhum à 75°. L'auteur n'a pas son pareil pour coller à ces années-là qu'il a observées en tant qu'ado, qu'il a documentées une fois adulte. Plus que dans les précédents opus, on le sent ici parfaitement à son aise, en totale maîtrise de son intrigue et de sa prose.
Oui en 2024, lire du Ellroy c'est encore un signe de bon goût. L'homme affiche pas loin de quarante années d'écriture, quelque chose comme treize romans et il ne lâche pas la barre d'une littérature noire singulière, un style à part pour une oeuvre à part. Les enchanteurs peut se tenir dignement aux côtés du Grand nulle part, de La colline aux suicidés ou d'American tabloïd.

Les Enchanteurs (The Enchanters, trad. Sophie Aslanides et Séverine Weiss), ed. Rivages, 654 pages, 26 euros
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P
Pas facile à suivre, mais si j'ai bien compris, les Enchanteurs n'a rien à voir avec le cycle entamé par Perfidia et La tempete qui vient qui se passe dans les années 40, mais avec un autre cycle entamé avec extorsion et suivi de Panique Générale et qui a pour personnage principal Freddy Otash. Pas compris non plus pourquoi tant de bruit editorial sur ce volume, j'espere que c'est parce qu'il est vraiment très bon. Pour moi, le choc initial fut la "Trilogie Llloyd Hopkins" découvert vers 1986. Comme dit Philippe Garnier, je ne m'en suis toujours pas remis.
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