Littérature noire
25 Septembre 2024
Waouh. Il y a un joli boisseau d'audace dans les 110 pages de cette Trajectoire exemplaire, du culot, un brin de colère aussi et de l'énergie. Nagui Zinet, assez libre dans son style, donne autant dans l'humeur noire que dans l'humour noir, sorte de sourire du dépressif, avec une langue qui n'est pas cette gouaille parisienne qui sonne tellement cliché mais un parlé aussi érudit que provocant, piquant.
Les premières lignes d'Une trajectoire exemplaire donne le ton, " vous êtes, nous sommes, des putains sans trottoir... vous aimez Patrick Dewaere comme vous aimez tous les suicidés. "
Puis le roman, ou la novella (110 pages on est à la limite non ?), entre chez un juge d'instruction en pleine lecture du journal de N., interpellé récemment. Et Nagui Zinet, alors, de dérouler un journal intime à la deuxième personne du singulier, le quotidien d'un jeune homme de 25 ans, largué ("tous les matins tu as l'impression de commencer une partie de scrabble avec sept consonnes"), fauché, roublard, qui traîne sa misère à Lille, avant de croiser Irène, quadragénaire, qu'il séduit, squatte et, à l'occasion, c'est-à-dire souvent, vole pour pouvoir se payer des demis au bar du coin.
Nagui Zinet, avec une tendance au name dropping un peu marquée, appelle Jim Thompson (normal), David Goodis (re normal) mais aussi Souchon, Aznavour, bref, tout son Panthéon des névrotiques et des amoureux de la langue française. Il aurait aussi pu citer Desproges pour ses vilaines, mais très drôles, blagues : " sur un banc, une fille à l'accent belge chante une chanson espagnole. C'est l'équivalent d'un couscous à la truffe mais elle joue bien. In extremis, tu ne lui souhaites pas la mort. "
A défaut de pure intrigue, Nagui Zinet, comme l'indique bien son titre, déroule une existence ou un bout d'existence, à la façon d'un épisode de Strip tease, c'est glauque, mais c'est la vie dans ses recoins d'infortune. Mais encore une fois, c'est le culot de l'auteur, cette fraîcheur ou cette spontanéité, qui emporte la lecture.
Une trajectoire exemplaire, ed. Joëlle Losfeld, 110 pages, 15, 50 euros