Le tutoiement des morts : radiographie de l'amour pour un père

" Lorsqu'on me demandait, à mon arrivée en primaire, de parler de mon père, je ne disais jamais "comme mort", anéanti", "déchu". Je disais qu'il était malade, qu'il était psychiatre, c'est-à-dire docteur de la tête, mais que là, il était au chômage, parce qu'il était malade. "
Rarement il aura été lu un hommage aussi tendre, aussi fin et aussi sincère d'un fils à son père. Avec Le tutoiement des morts, Alexandre Billon écrit toutes les pulsations que son coeur a connu auprès d'un géniteur fantasque, amateur de chimie, de monstres, de balades et de philosophie. Dans ce qui est plus un récit qu'un roman à proprement parler, l'auteur puise littéralement dans ses souvenirs les plus anciens, dans des sensations, des flashes, pour reconstituer l'histoire d'une relation toute particulière. Il y a les discussions, très jeune, autour de la valeur de la vie, il y a ces virées en Simca verte jusqu'en Espagne, il y a les Pif gadget, la séparation des parents... tout cela, Alexandre Billon le retrouve au fond de lui, à trente-six ans comme il l'écrit très vite. Et ce n'est pas la moindre des qualités de ce texte que cette première personne qui s'impose, plus comme une déclaration d'amour renouvelée qu'une confession.
" Rapidement, je me suis calmé, j'ai reconstruit ce père sur les ruines d'un homme oublié, je l'ai aimé lui. " Avec une grande liberté - on pense à Richard Morgiève - l'auteur, doctorant en philosophie, caresse la maladie de son père, homme bouleversé par les enjeux de la vie, par l'essence même de son existence. Tout naturellement, il est question de Descartes, de Pascal. Tout naturellement, parce que Le tutoiement des morts ne verse pas dans les concepts mais davantage dans la place de l'amour dans une vie et la place de l'être aimé.
Il y a certaines pages d'une émotion flamboyante pour, au final, donner un récit incroyable, inattendu.

Le tutoiement des morts, ed. L'arbre vengeur, 304 pages, 19, 50 €