Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

Leo : qui branche des filles avec une carbonara ?

A quel moment un roman vous tombe-t-il des mains ? Ici, c'est à la page 145. Ce qui est relativement tôt pour un pavé de 613 pages. Qu'a fait Deon Meyer dans Leo ? L'irréparable : une scène de cuisine et de drague absolument niaise. Et irréaliste. Petit briefing : Chrissie, guide de safaris en Afrique du Sud, participe à un énorme braquage de plusieurs millions de dollars, avec d'anciens soldats. Un vol à main armée qui se termine en carnage, elle calibre deux, trois gars, l'avion de la fuite prend feu, ses compagnons prennent du plomb. Bref, la grosse cata. Elle, se met à l'ombre bien entendu. Et du côté de l'Italie, patrie qu'elle chérit. Pas de problème. Et voilà un jour, qu'un homme s'arrête devant chez elle, et alors qu'elle écoute un opéra, lui indique que la version de Pavarotti est bien meilleure que celle de Placido Domingo... Alors, quand on es une flingueuse, une vraie, le garçon soit on luit gonfle la tête, soit on ne le regarde même pas. Mais non, celui-ci vient l'excuser de son outrecuidance le lendemain et l'invite, chez lui, à déjeuner. Parce qu'il est un restaurateur, retiré des fourneaux. Elle, elle accepte ! Et donc à la page 145 : " il la regarde manger, l'oeil expectatif (!). Lui demande comment elle trouve la carbonara ". Mais qui fait des carbonara à une jolie femme qu'il invite chez lui ? Qui ? Ce voisin est un restaurateur et sa meilleure recette (qu'il tient de sa mère tellement c'est complexe) ce sont des oeufs avec de la ricotta, du guanciale ? Et pour lui en mettre plein les yeux, il a fait une... pana cotta (soit de la crème fleurette avec un gélifiant et du sucre). On peut se tromper mais voilà un menu enfant de la première trattoria que vous croisez sur une aire d'autoroute entre Livourne et Milan. Pour ne rien gâcher au malaise de ces pages, voila Chrissie, en cavale normalement, qui va tout raconter ou presque de sa vie, à ce malheureux roi de la tambouille...
Deon Meyer est plutôt un bon romancier, avec une technique éprouvée, mais c'est peut-être la preuve qu'il ne faut pas trop s'éloigner de son champ de compétences. Lui, son truc, ce sont les magouilles au plus haut niveau de l'Etat sudaf, la corruption, les grands crimes. Les précédents, Cupidité ou La femme au manteau bleu, étaient tout particulièrement réussis. Ici, il retrouve bien sûr son duo de flics, Griessel et Cupido mais il tente aussi donc de créer un personnage féminin fort avec cette Chrissie. Sauf que ça ne fonctionne pas du tout. Le reste de son Leo est bien troussé avec une fois de plus une histoire de détournement de richesses, en lien avec Kadhafi. Si on met de côté la partie sur le mariage de Griessel qui s'enlise dans le convenu, cela aurait pu une fois de plus être un polar puissant. Mais il y a cette page 145.

Leo (trad. Georges Lory), ed. La Série Noire, 613 pages, 23 euros
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article