Littérature noire
20 Janvier 2025
On nous promettait une histoire sur fond de racisme, de toxicomanies, de violences... Chiens des Ozarks tourne autour oui, mais sans jamais s'y accrocher vraiment. Un peu de ceci, un peu de cela, et pas vraiment de fond. L'auteur, Eli Cranor, remercie en fin de roman, Larry Brown, Flannery O Connor, Jim Thompson (sic), Elmore Leonard, Toni Morrison, Harry Crews, sans que l'on comprenne vraiment en quoi ces auteurs ont infusé en lui. Ou alors oui, effectivement, Chiens des Ozarks, on a l'impression de l'avoir déjà lu, chez Bill James il y a quelques années à La Série Noire, ou chez Ron Rash, Daniel Woodrell, un peu chez David Joy. Au-delà des clichés accumulés, l'histoire accumule quelques incohérences.
Il y a donc Jeremiah Fitzjurls, vétéran du Vietnam, forcément hanté par ce que qu'il a vécu du côté de Da Nang en tant que sniper. Il a l'âge de la retraite, tient une casse automobile et n'a plus que pour parent Jo, sa petite fille, prunelle de ses yeux, qu'il a élevée seul. Ce soir-là, il l'emmène à la grande fête du lycée où elle doit être couronnée Reine de l'année. Jo, elle, veut en profiter pour perdre sa virginité avec le mignon Colt. C'est ce qu'elle fait d'ailleurs mais après l'ébat rapide, elle fuit dans la nuit et la voilà enlevée par Evail, de la famille Ledford, les ennemis jurés depuis que le père de Jo a abattu le frère d'Evail. Et les uns vont alors tenter de retrouver les autres avant qu'il n'arrive malheur à Jo.
Le premier fait troublant, c'est lorsque Jérémiah et Colt se retrouvent au petit matin. Le grand-père, flingue à la main, apprend que sa petite fille a disparu. La shérif arrive sur place et déclare "donne moi 24 heures, laisse moi m'occuper de ça, tu vas faire une bêtise..." Et le grand-père d'accepter ! On parle de sa petite fille qui erre dans les bois, on ne sait pas où pour l'instant, on ne sait pas avec qui. Mais pas de problème. Soixante pages plus tard on apprend que la shérif a passé sa journée à tirer sur un stick dans des vapeurs de mexicaine...
Et puis d'un coup Jérémiah et Colt se retrouvent et ce dernier dit au papy : " je sais où est Jo. Elle est chez les Ledford... " L'enquête est rapide dans l'Arkansas ! Et Jérémiah n'en demande pas plus, ni comment tu le sais gamin, ni qui t'as renseigné.
Donc, ça patine un peu. On passe sur le grand-père qui se remet à boire mais est prêt, un, à rouler sur les routes défoncées du coin, deux, à tenir son arme et une conversation décente. Et il ne suce pas les glaçons Jérémiah : " sur l'étagère du haut, il trouva la bouteille de Jim Beam, qu'il avala d'un trait. " Ce bourbon affiche 40% d'alcool. Quiconque à côtoyer des alcooliques, des gens malades, sait que l'on ne se relève pas avec souplesse d'une telle expérience, surtout lorsque l'on a stoppé la bibine pendant plusieurs années.
On pourrait aussi évoquer Jo qui s'échappe, robe déchirée, à travers les buissons, les chemins, en courant et sort son téléphone portable de son bustier. Sacrés kidnappeurs qui n'avait pas remarqué l'Iphone 14 entre les bonnets D de la demoiselle. Et des comme ça, il y en a encore une poignée (" on a affaire à des Mexicains un certain Guillermo, et il a toute une escouade de hombres avec lui ") mais c'est assez pénible, et, hormis une très belle jaquette, c'est un roman que l'on oublie.
Chiens des Ozarks (Ozarks dogs, trad. Emmanuelle Heurtebize), ed. Sonatine, 286 pages, 22 €