De silence et d'or : du terrorisme aux podiums des JO

Passionnant. Politique. Sportif. Journalistique. Ivan Butel, dans un texte relativement court de 240 pages, parvient à faire tenir toute une vie ou presque, des engagements, des doutes et surtout, comme l'indique le titre, des silences. Texte hybride qui voit l'auteur s'interroger sur son travail, sur sa relation avec le sujet de son livre. L'objet est de plus suffisamment rare pour être souligné puisqu'il s'agit d'évoquer le passé d'un terroriste d'extrême gauche dans l'Espagne de l'époque de la Transition, soit 1975-1985 à la louche. Mais ce n'est pas que ça : De silence et d'or pousse la question plus loin.
Soit Cha (Sébastian Rodriguez pour l'état civil), nageur paralympique espagnol, privé de ses jambes, qui récolte une poignée de médailles toutes en or aux Jo de Sydney en 2000. Dans la foulée de cet exploit, le quotidien El Pais révèle son passé de terroriste au sein du Grapo d'extrême gauche. C'est à cette période qu'Ivan Butel va contacter le nageur : " Cha a été plongé dans la lutte armée. Puis il en est sorti. En quoi a-t-il cru ? A quoi a-t-il renoncé ensuite ? " Vertigineux et ambitieux.
Entre 2000 donc et l'écriture de ce livre, l'auteur, scénariste et réalisateur de profession, va se rendre plusieurs fois à Vigo, où vit Cha, pour discuter, tenter d'en savoir plus sur sa complicité d'assassinat qui lui vaudra un monceau d'années de prison. Le nageur ne dit pas tout. Il parle en revanche de la grève de la faim, qui le laissera au bord de la tombe et provoquera des séquelles fatales pour ses jambes. Le pardon, les explications, il esquive. " Moi, ma façon de penser n'a pas changé. Nous étions comme ça : on luttait pour ce en quoi on croyait. Je ne regrette rien. " Après tout, n'a-t-il pas payé son geste meurtrier avec ses années de prison ? Ivan Butel, devenu un ami de son sujet, demeure très lucide, critique, sur lui-même, sur Cha. Mais il arrive à toucher du doigt ce que signifiait cet engagement, il parvient à faire comprendre ce qu'était l'horreur du franquisme, les exécutions sans procès... la dictature tout simplement. Et l'injustice d'une démocratie qui, ensuite, refuse de regarder les actes commis par les petites ou grosses mains du franquisme. La fameuse violence d'Etat.
Un vrai beau texte, émouvant, autour d'un champion incroyable qui a ramené la bagatelle de 16 médailles dont huit en or en six olympiades et qui n'a pu s'aligner sur les Jeux de Paris 2024 simplement à cause de ses 66 printemps. Un bonhomme dont on fait des personnages de cinéma.

De silence et d'or, ed. Globe, 248 pages, 22 €