Mort ou flic : enquête sur un ancêtre policier sous Vichy

Comment réagit-on quand on apprend que son arrière-grand-père était dans la police de Vichy ? Qu'il a été emprisonné à la Libération pour intelligence avec l'ennemi ? Bénédicte Gilles, jeune journalise indépendante, et sa camarade Gaëlle Sheehan, ont décidé de creuser l'info. En commençant par discuter avec la grand-mère de la première, toujours vivante, fille du policier en question, mais trop petite alors pour conserver des souvenirs précis de cette période trouble. En revanche, elle garde dans un tiroir une double pochette, pas très épaisse certes, mais contenant quelques documents d'époque. Voilà les deux journalistes sur la piste de Pierre Fratani, né le 14 février 1907 à Vezzani, ex inspecteur de police...
Vont suivre des visites, notamment aux archives de la préfecture de police de Paris, puis aux Archives nationales, des rencontres, précieuses, avec des historien(ne)s et surtout des heures de lectures de documents manuscrits, cherchant les concordances de temps, les connexions.
Tout le sel de mort ou flic, à la recherche de Pierre F., est bien cette recherche de vérité, totalement objective, une volonté de mettre au clair cette sorte de voile dans l'arbre généalogique de Bénédicte Gilles. Elle se dit prêt à accepter le pire, elle s'y attend même. Mais voilà, rien n'était tout blanc ou tout noir, pendant la Guerre. Et surtout après. " Résistant, d'un côté. Collabo, de l'autre. Et au milieu ? Ceux qui ne dénoncent pas. Ceux qui hébergent peut-être un résistant, une nuit durant,  sans pour autant s'engager dans la lutte contre l'envahisseur. "
L'enquête est menée avec une belle sincérité et s'il ne s'agit pas de décrypter les codes d'Enigma, il y a là une humanité, des questions essentielles sur l'attitude de chacun face au mal, en mettant dans la balance une vie de famille, une enfant, sa propre existence. Il y a aussi toute la jalousie des hommes, la haine qui se sont exprimées après 1944, dans des scènes de femmes tondues ou des dénonciations abusives voire calomnieuses. Comme l'écrit si bien Bénédicte Gilles il y avait ce fameux roman national à écrire, avec les bons d'un côté, les mauvais de l'autre...
On peut rester un peu plus réticent à l'idée du parallèle entre la police de Vichy et celle qui exerce en France aujourd'hui mais mort ou flic, à la recherche de Pierre F., demeure un superbe exercice de réflexion sur l'engagement des forces de l'ordre, leur capacité à se remettre en question, leurs valeurs évidemment, leur morale éventuellement.

Mort ou flic, à la recherche de Pierre F., ed. Belfond, 232 pages, 21 €