Littérature noire
11 Février 2025
Mourir en juin, sixième roman d'Alan Parks et toujours la même exigence, le même (immense) plaisir de lecture, pour un polar urbain tout en ambiguïté, en corruption et en misère. Harry McCoy inspecteur en chef est muté avec Watie, son subordonné et plus proche collègue, au commissariat de Possil, au nord de Glasgow, pour démasquer les fonctionnaires ripoux. Et, bien entendu, ce n'est pas la seule préoccupation d'un McCoy toujours grande gueule : une série d'empoisonnements frappe les clodos de la ville et le voilà qui s'inquiète pour son père, aperçu dans Joli mois de mai, en train de faire la manche. Son pote Cooper a la merveilleuse idée de déclencher un guerre des gangs. Enfin, pour mettre un dernier coup de pression, il y a cette paroissienne de l'Eglise des souffrances du Christ qui vient déclarer la disparition de son jeune fils... qui n'a jamais existé.
En ancien professionnel de la musique, Alan Parks a développé une oreille infernale et le sens du rythme. Sans grand braquage (encore que cette fois il y en a un très court, très explosif), ni course poursuite, l'Ecossais parvient à faire bouger son personnage dans les rues de Glasgow, sans que cela tombe dans la laborieuse description Google Maps. L'homme marche, souvent, prend une voiture, plus rarement, tape aux portes, se glisse dans le box d'un pub, rampe vers un squat (quelle scène poisseuse), se pose sur les bancs d'une église... toujours ou presque en mouvement. Et ce rythme, cette déambulation, lorsqu'il y a un ralentissement, un instant à peine statique, est comblé par des dialogues taillés dans la plus belle des langues de la rue. On cause renvoi d'ascenseur, prise de territoire, incendies criminels ! On ne parle guère de la météo chez Parks, même si, comme souvent en Ecosse, elle joue sur l'humeur. Ajoutons une belle poignée de pintes épaisses, quelques gallons de Speyside et Alan Parks offre une série que l'on peut qualifier de classique moderne. Mais avec une douce mélancolie, un regard attendri sur cette humanité pétrifiée par la crise des années 60 et 70, quand la ville devenait un inimaginable cloaque, avec industries fermées, aides sociales à bloc et criminalité flamboyante. On aurait tort de penser que les Harry McCoy sont une série de polars de plus. Il y a une voix, une couleur qui hissent l'ensemble bien au-dessus de la mêlée, une réflexion même sur la loyauté, qui revient fréquemment chez Parks. Et, dans Mourir en juin, des questions sur la religion, omniprésente dans cette terre de catholiques et de protestants, que l'on a rarement vu main dans la main.
Mourir en juin (To die in June, trad. Olivier Deparis), ed. Rivages, 365 pages, 22 €