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The killer inside me

Littérature noire

Dios et Florida : du Sam Peckinpah féministe

Sur la lancée du formidable Ces femmes-là, Ivy Pochoda sert, cet hiver, une nouvelle histoire de femmes mais en reprenant les codes du roman carcéral et en les adaptant totalement à ses personnages dit du sexe faible. Dit, parce qu'avec Dios et Florida, les deux dames qui donnent leurs noms à ce quatrième opus de l'autrice californienne, il y a peu de victimisation, et c'est plutôt du oeil pour oeil.
Florida, issue de la bourgeoisie californienne, purge en Arizona une peine de prison pour complicité de meurtre. Lors d'une panne d'électricité chaotique dans sa geôle, elle a tabassé à mort une détenue. Dios, autre camarade de taule, a tout vu, n'a rien empêché et même pire. Bref, Dios tient Florida dans sa main, la harcèle psychologiquement. Puis, arrive le Covid et pour éviter la surpopulation, voilà Florida libérée dans un monde qui, déjà, aurait dû être différent mais qui, là, ne ressemble à rien de connu : rues désertes, boutiques abandonnées, rares piétons masqués, gantés, paranoia ambiante... En quarantaine dans une chambre de motel, Florida décide de prendre la tangente, de rentrer à Los Angeles et reprendre le volant de sa Jaguar pour partir, loin. Dans le bus qui l'emporte vers la Cité des Anges, re-voilà Dios. Et un des matons. Prise d'angoisse, sous pression, Florida descend avant son arrêt et commence un chemin sauvage à travers une ville livrée au pire, entre SDF agressifs, personnages lunaires... et elle n'en a pas fini avec Dios qui a égorgé le surveillant dans le bus ! Une fliquette de Los Angeles les cherche maintenant toutes les deux.
Roman brûlant, poussé par une Florida qui fuit autant Dios que sa propre histoire, Dios et Florida est d'un féminisme guerrier, actif, dur, qui met en scène ces deux ex-prisonnières aussi violentes qu'inadaptées. Quand l'une accepte totalement la bête qui est en elle, l'autre pense encore pouvoir se faire une place tranquille dans la société. Le personnage de Florida séduit par son ambigüité, sa vaine et furtive tentative de réinsertion, se persuadant que le temps est venu de revenir à la raison. Mais un déjeuner qui ne vient pas, une pizza en carton et une mère qui la rejette suffisent - pas seulement il est vrai - à la faire vriller. Le talent d'Ivy Pochoda, comme pour son précédent roman, c'est de dessiner une intrigue sur une deuxième partie, avec Lobos, cette fliquette d'origine mexicaine, pétrie, elle, de fêlures, poursuivie par un mari violent. Comme un contrepoint à la force que peut dégager le duo sorti de prison.
Il y a toute la justesse nécessaire dans la prose de Pochoda, dessinant des profils psychologiques précis, réalistes, touchants, avec un rien de poésie urbaine malgré, comme pour Route 62, les images crasseuses de cette rue de Skid Row, toujours squattée par des milliers d'Américains miséreux. Dios et Florida, malgré son titre n' a rien de fleur bleue, on ne se retrouve pas avec des California girls en bikini, c'est davantage pipes de crack et coup de couteau. Le lecteur est loin de Thelma et Louise ou d'un héroïsme féminin à la Ridley Scott, plutôt dans un Sam Peckinpah façon Apportez moi la tête d'Alfredo Garcia.

Dios et Florida (Sing her down, trad. Adélaïde Pradon), ed. Globe, 335 pages, 23 €
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Y
Son premier roman, "L'autre côté des docks" était absolument formidable. Pour l'instant, elle fait un sans faute.
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