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The killer inside me

Littérature noire

Il est long le chemin du retour : visions du racisme au Texas

Darren Mathews, Ranger noir dans l'est du Texas rend son étoile. A la quarantaine, il en a assez vu. Et puis il veut demander Randie en mariage, s'installer à la ferme familiale à Camilla, dans l'est de l'Etat. Sauf que... sa mère, qui l'a abandonné à la naissance, refait surface. Elle est femme de ménage dans la sororité d'une université toute proche et une jeune noire a disparu sans laisser de traces. Sauf que... le procureur Vaughn tente toujours de le coincer pour entrave ou quelque chose comme ça dans le cadre du meurtre de Ronnie Malvo, membre de la fraternité aryenne. Sauf que... Randie prend ses cliques et ses claques, ne supportant plus ses accès de colère. A la sortie d'une énième brume d'alcool, intrigué autant par sa mère que par sa requête, il va se pencher sur le cas de cette Sera Fuller, disparue. Une jeune fille black issue d'un milieu modeste, inscrite dans une congrégation de bourgeoises blanches. Surtout, la fille de parents vivant à Thornhill, ville-usine où l'employeur fournit un emploi mais aussi un toit à ses employés ! Une forme de communisme au pays de ZZ Top ? Forcément, non. Il y a un loup.
Attica Locke excelle depuis Marée noire, dans la peinture de la communauté noire du Texas et précisément de ce coin du Texas, proche de la frontière avec la Louisiane. Il est long le chemin du retour, troisième (et dernière ?) aventure de Darren Mathews, s'engage sur les chemins d'une campagne où les forêts de pins offraient autrefois une industrie ravageuse mais rémunératrice aux gens du coin. Désormais il faut compter sur l'usine de transformation de viandes Thornhill pour avoir un travail. Et Locke de mettre en miroir une population ouvrière pieds et poings liés à ces emplois, avec la jeunesse blanche de l'université toute proche. Comme lien entre les deux, Sera Fuller, faisant son possible pour contrecarrer le déterminisme social. Sous la houlette d'un père prêt à tout. Même à se ridiculiser en public.
Il est long le chemin du retour est aussi le roman des premières années Trump comme celui des dernières années Obama que l'auteure ne se prive pas de critiquer. Mais Attica Locke ne fait pas dans le roman politique ou du moins jamais directement. Elle pose des situations, elle montre, comme à son habitude, l'ambigüité de la communauté noire, ses combats aussi, qui semblent ne jamais finir. Et autant l'histoire familiale de Darren Mathews - avec sa mère obligée de quitter la fac - que celle des Fuller - acceptant une situation sociale de serfs modernes pour pouvoir bénéficier d'une couverture médicale - affichent les obstacles à une vie "normale" quand on a cette peau noire. Ce n'est pas le meilleur Attica Locke mais il y a toujours cette volonté de témoigner, sans rien masquer, sans s'aveugler. Et continuer le combat pour une émancipation totale. Avec toujours, un arrière-plan musical de premier ordre, Solomon Burke, Bettye LaVette, Gary Clark Jr...

Il est long le chemin du retour (Guide me home, trad. Nicolas Paul), ed. Liana Levi, 332 pages, 20 €
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