Jim Thompson vu par Jerry Stahl, Christopher Cook, Stéphane Michaka, Richard Morgiève... collector

Cent-trente six pages d'analyses, d'amour, Voyage à travers l'oeuvre de Jim Thompson (1906-1977) est une nouvelle marque de dévotion de Rivages au géant américain de la littérature noire, une attention particulière, en forme d'opuscule gratuit logiquement proposé par les libraires, liée à la réédition de quatre chefs d'oeuvre du maître : Les arnaqueurs, Nuit de fureur, Pottsville, 1280 habitants et L'assassin qui est en moi. Donc vingt-six auteurs, autrices, essayistes, se collent à l'exercice complexe du " écrivez quelques lignes sur votre Thompson préféré ".
Dans le désordre on retient le texte splendide de Stéphane Michaka, dont la prose se fait toujours trop rare. A propos de Nuit de fureur, " avez-vous jamais lu un roman qui se désagrège sous vos yeux, et son protagoniste avec lui ?... le crime comme extrémité où sont poussés les travailleurs dont les corps, les syndicats et la raison de vivre furent broyés par des patrons à la main invisible. "
Tous et toutes louent la singularité de Jim Thompson, une singularité qu'il doit à son talent évidemment, sa radicalité dans le tourment mais aussi à une enfance difficile et une vie qui ne le fut pas moins.
Dans la foison des textes proposés il y a aussi celui d'Hugues Pagan, assez malin, où il s'imagine boire un godet avec l'auteur dans un rade quelconque, l'occasion d'une discussion rapide autour des Alcooliques et de son personnage célinien, Semelweis. Il y a évidemment la petite perle de Jerry Stahl qui ne pouvait qu'écrire sur Nothing Man et son anti-héros au sexe rétréci, " et si, à ce stade, au crépuscule de l'Empire, on s'accordait tous et toutes à dire qu'il n'existe pas de personnage plus emblématique - ou prophétique, de l'Amérique qu'un pisse-copie aigri privé de zgegue ? "
Ce recueil peut assez vite devenir collector par la richesse de ses critiques, de ses bons mots, la diversité des intervenants, dont un Richard Morgiève qui confie à quel point Vaurien a changé sa vision de l'écriture. Et puis il y a Christopher Cook ! Enfin ! L'auteur de Voleurs, Bethléhem, Texas, Langues de feu évoque Les arnaqueurs : " pour moi c'est son livre le plus abouti. C'est une tragédie familiale d'ampleur shakespearienne, subtilement teintée d'un réalisme social implacable. "
Près de cinquante ans après sa mort, Rivages poursuit donc son remarquable travail de mémoire avec ce fascicule. Et ne se contente pas seulement de textes parce qu'il y a aussi un boisseau de photos inédites de l'agence Baror. Et, cerise sur le gâteau, les illustrations du plus talentueux d'entre tous : Miles Hyman. Et même en noir et blanc, la patte de l'artiste est démentielle. Un travail qui orne par ailleurs les quatre rééditions. Celles-ci sont autour de 8, 70 ou 9 € et, donc, si votre libraire a fait son job il doit pouvoir vous fournir avec un exemplaire de ce Voyage...

Voyage à travers l'oeuvre de Jim Thompson, ed. Rivages, avec François Guérif, Tonino Benacquista, Bertrand Bonello, Franck Bouysse, William Boyle, François Brondel, Nicolas Carreau, Laurent Chalumeau, Luc Chomarat, Christopher Cook, Hélène Couturier, Jean-Pierre Deloux, Pascal Dessaint, Cédric Fabre, Sébastien Gendron, Doug Headline, Hervé Le Corre, Stéphane Michaka, Richard Morgiève, Jean-Hugues Oppel, Hugues Pagan, Michaël Prazan, Christian Roux, James Sallis, Jerry Stahl, Marie Vingtras.