Littérature noire
10 Avril 2025
Marto Pariente réussit le doublé ! Un an après le thompsonien Sagesse de l'idiot, l'auteur de Guadalajara envoie un Balanegra où l'on retrouve ce goût pour les personnages entre deux eaux et les pourritures totales. Surtout, il y a encore ce lent crescendo, patient, Pariente tissant la toile d'une intrigue violente, disséminant à droite, à gauche, quelques pistes hasardeuses, sans oublier un léger vernis d'humour noir (ah ce couple).
Donc voilà Coveiro. La cinquantaine sans doute. Il est le fossoyeur du village depuis que son frère a mis fins à ses jours en lui laissant son fils, son neveu donc, souffrant d'autisme. Fossoyeur ça lui va bien à Coveiro et c'est un peu le sens de ce surnom, lui, qui, lorsqu'il faisait le tueur à gages, s'appliquait à ne pas faire creuser leurs propres tombes à ses victimes. Désormais il coule des jours, presque, heureux, en tous les cas loin des embrouilles. Jusqu'à ce que Leon de Miguel, fils de Rubi de Miguel, impératrice nationale de la vente de viande, clamse d'une crise cardiaque après son interpellation pour pédophilie. L'enterrement doit se faire dans le cimetière dont s'occupe Coveiro. Mais Rubi de Miguel a prévu davantage qu'un enterrement. Et fait appel à une organisation criminelle.
L'intrigue de Balanegra est sacrément gonflée. Mais cela change de la jeune fille disparue après a) une soirée, b) une promenade en forêt, c) un concours de belote ! Et quitte à ce que cela soit culotté, Marto Pariente invite un petit cochon de lait comme animal de compagnie, le second fils de Rubi, déjanté total qui se fait appeler double Mickey et souffre d'un micro pénis (hey Thompson encore !), sans oublier donc un couple de tueurs qui n'hésite pas à se disputer sous les yeux de leurs proies. Ah oui, et Coveiro qui souffre de la prostate et s'arrête touts les vingt pages pour se soulager.
Il y a vraiment une jubilation dans ce polar très court, qui alterne au gré des personnages, des moments de réflexion, de quasi silence, et la furie du projet d'enterrement, son exécution, la traque de plusieurs participants. Et puis il y a une jubilation aussi dans cette morale un brin tordue. C'est ici, dans cette chronique, qu'il convient de ne rien dévoiler pour garder toute la saveur de ce Balanegra qui fait beaucoup de bien dans sa volonté de divertir, sans prétention mais pas sans malice. C'est un peu cliché, mais oui voilà du beau western moderne.
Balanegra (Hierro viejo, trad. Sébastien Rutès), ed. La Série Noire, 216 pages, 20 €