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The killer inside me

Littérature noire

Les suppliciées d'Appoigny : horrible retour dans l'Yonne

Janvier 1984, une jeune femme s'échappe d'une maison à quelques kilomètres d'Auxerre, court à la police et raconte son calvaire. Trois jours plus tard, une perquisition à lieu, une seconde femme est libérée tandis que Claude et Dominique Dunand, les propriétaires, sont incarcérés, poursuivis pour séquestration, viols, tortures... L'enquête mettra à jour un système de l'horreur totalement pensé et réfléchi. Quatre mois plus tôt, le couple Dunand a en effet publié une petite annonce pour chercher une aide à domicile en faveur d'une personne âgée. Huguette, enfant de la Ddass, 18 ans, a besoin d'un travail et d'un toit, elle accepte. Et se retrouve immédiatement violée dans la cave de la maison par le propriétaire lui même, avant de la livrer à des "clients" de la région qui payent des suppléments pour les sévices les plus immondes : brûlures sur les seins, perçage des lèvres du sexe, objets divers pour la pénétration, coups... Trois mois d'enfer jusqu'à ce qu'une seconde victime, Michaella, arrive à la cave. Quelques jours après, Huguette trouve l'opportunité de fuir.
Les suppliciées d'Appoigny, écrit par la faitdiversière Sabrina Champenois, est une de ces affaires de l'Yonne, sans doute un brin occultée par Les disparues de l'Yonne et l'affaire Emile Louis, dossier immonde, aussi proche dans le temps qu'en termes géographiques.
Mais l'histoire d'Huguette et Michaella est légèrement antérieure et témoigne déjà de plusieurs errements de la justice qui nous paraissent aujourd'hui, a minima, scandaleux. Il y a pour débuter une enquête qui interroge sérieusement quand on sait qu'Huguette s'était enfuie avec un carnet renfermant les noms et les contacts des "clients" des Dunand et que ce carnet a été perdu, escamoté, dans les scellés. Avec pour conséquence, une totale absence ou presque de ces "clients" dans le box des accusés. Le parallèle avec Mazan et le nombre de ses prévenus frappe... De la même manière, condamné à perpétuité, Claude Dunant sortira de prison au bout de dix ans, soit seize ans derrière les barreaux en comptant la préventive. Une mesure de clémence envers quelqu'un qui assurait avoir des contacts, un réseau puissant ? Le soupçon est fort, on parle de franc-maçonnerie impliquée. Marylise Lebranchu, Garde des sceaux, prendra d'ailleurs des mesures rarissimes contre trois magistrats du parquet d'Auxerre. Mesures qui seront quelques mois plus tard annulées... Et au-delà, c'est la prise en charge des victimes qui paraît tellement dérisoire, inadaptée. Deux jeunes femmes à la vie brisée, subissant quatre décennies plus tard, les mêmes traumatismes et la même honte, au point de refuser de rencontrer l'autrice de ce livre. Trop de douleurs, trop de cicatrices et un vrai sentiment d'abandon.
Cette nouvelle collection de 10/18, cette fois non plus avec Society mais avec Libération, et uniquement dans l'hexagone, s'annonce terrible à tous points de vue.

Les suppliciées d'Appoigny, ed. 10/18 Libération, 127 pages, 8, 30 €
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