Littérature noire
22 Avril 2025
Formidable roman de Lionel Destremau. Qui part d'une homonymie, d'un jeune policier en formation en 2014, fasciné par les tatouages de bagnards et qui remonte le XXe siècle jusqu'aux années 30, dans les pas de deux voyous, cambrioleurs, souteneurs et assassins.
Un crime dans la peau bénéficie du travail patient, minutieux de l'auteur, parti à la chasse aux infos dans une foule d'articles jaunis, de documents poussiéreux mais indispensables. Lionel Destremau parvient à faire sentir l'atmosphère de Lyon et de sa région dans cet entre deux-guerres, tout comme il détaille parfaitement la jeunesse chaotique des deux protagonistes.
Louis Rambert, orphelin de mère, a été placé très tôt par son père dans une institution religieuse stricte. Gustave Mailly aura une enfance sans doute moins dure, en compagnie de ses parents et de ses deux grands-frères mais il aura, après un stupide accident qui lui brise la jambe, les plus grandes peines à trouver sa voie. Louis va passer par la case Marine Nationale et voguer vers l'Asie, où il accomplira définitivement sa passion des tatouages. Les deux hommes vont vire du mauvais côté de la société, devenir d'authentiques crapules, se rencontrer et monter le "coup" qui les perdra : un double meurtre horrible à Ecully, à l'ouest de Lyon.
La narration réussi à jouer avec le temps, à proposer différents angles et l'auteur garde une certaine distance avec les coupables comme avec les faits, préférant jouer sur les tonalités, les ambiances davantage que sur les émotions. Un crime dans la peau revient parfois à de la sociologie criminelle tant il fouille l'histoire familiale mais aussi intime de ces deux hommes qui ne furent en rien des pionniers du crime puisque l'auteur livre en fin de chapitres, des articles de presse relatant à quel point la violence était présente déjà à cette époque, à quel point aussi la presse, et donc le lectorat, était friande de ces informations. C'est donc aussi une mise en perspective de l'histoire du crime dans l'hexagone, à l'heure où les meurtres les plus sordides, aujourd'hui, sont l'occasion d'une récupération politique, ce roman rappelle que les coups de fusil, les coups de marteau, les coups de couteau existaient bel et bien il y a cent ans. La qualité de ce roman, c'est également de suivre de bout en bout le duo, jusqu'à la condamnation, jusqu'à Cayenne ! Un puissant voyage dans le temps.
Un crime dans la peau, ed. La Manufacture de livres, 295 pages, 19, 90 €