Littérature noire
3 Mai 2025
Hortensia Fox est avocate d'affaires chez Hynes Dawson, l'un des plus prestigieux, et des plus discrets, cabinets de Londres. C'est pour ces deux qualités que des apparatchiks russes font appel à eux afin de dissimuler, camoufler, des sommes astronomiques. Et en Russie justement, les puissants autour de Poutine affûtent leurs lames. Au premier rang desquels La Grue, intime conseiller du dictateur russe, vieux loup du FSB, qui vient de braquer plusieurs centaines de millions d'euros d'or au coeur de la banque de son vieil ami-ennemi, Agapov. La Grue veut mettre ce dernier à genou. Mais c'est oublier sa fille, Anna Agapova. Cadre de la banque dévalisée, elle est aussi un officier du SVR, le service de renseignements extérieurs russe. En deux coups de fil pour suivre l'argent volé par La Grue, elle dégote le numéro d'Hortensia Fox... agent dormant de la CIA. Un double jeu se met en place et chacune va essayer de manipuler l'autre, de la forcer, jusqu'à la menacer. Il va y avoir un premier rendez-vous dans une prestigieuse écurie mexicaine puisque Anna et son pari ont eu aussi un élevage de pur-sangs. Puis il y aura une invitation en Russie. Qui va très mal finir...
Dans le rayon espionnage, ce Moscou X résonne tellement bien avec l'actualité. Et parvient à saisir l'état d'esprit russe, son esprit de sacrifice comme sa volonté de combattre : " la capacité des Russes à souffrir était illimitée, insondable. Et le présent n'était rien, une légère égratignure sur un corps profondément labouré de cicatrices. "
Ancien analyste de la CIA, David McCloskey offre un roman réaliste, qui ne mégote pas sur les dernières technologies sans tomber dans le jamesbondisme neuneu. Le plus intéressant demeurant au final, cette capacité des grandes banques occidentales à collaborer avec n'importe qui, y compris les pires individus de la planète, dès l'instant où les sommes en jeu affichent au moins sept zéros. Moscou X possède des moments bien tendus, entre la psychopathie des uns et des unes et à ce titre, les femmes ont les premiers rôles. On peut hélas regrette un léger goût de guimauve dans les amours, ce côté un peu trop coeur tendre est convenu et gâche la fête quand on aurait aimé des femmes beaucoup plus inaccessibles et fermées. Les cinquante dernières pages livrant une sortie parfaite font toutefois passer cette sensiblerie inutile. Et puis, les romans d'espionnage se faisant si rares, pas question de bouder son plaisir.
Moscou X (Moscow X, trad. Par Johan Frédérik Hel-Guedj), ed. Seuil, collection Verso, 584 pages, 23, 90 €