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The killer inside me

Littérature noire

Le goût du sang : un trésor, un fou furieux, une traque

Cela faisait maintenant sept ans, depuis Le charme des sirènes, que Gianni Biondillo ne publiait plus rien de ce côté-ci des Alpes. Pourtant le Milanais continue d'écrire et ce Goût du sang date d'ailleurs de 2018. Une nouvelle enquête qui confirme le talent simple de cet auteur profondément humaniste, capable, avec son inspecteur Ferraro, de plonger le lecteur dans des intrigues très maîtrisées, jamais rocambolesques mais malines et sensibles. Ici, c'est Sasà, voyou dans la force de l'âge, qui sort de détention au bout de quatre ans alors qu'il était prévu qu'il y reste au moins trois décennies. Mais le voilà libre, tout à fait légalement ! Homme violent, "chien malade" comme on dit de lui dans le Milieu, il prévoit de mettre les voiles, en récupérant sa femme, sa fille, jeune boxeuse, et surtout tout un paquet d'or, détourné du clan, enfoui dans une forêt proche. Ferraro, lui, doit enquêter sur une bande de gamins qui est en train de mettre la panique dans le quartier populaire de Quarto Oggiaro. De fil en aiguille, mais toujours de loin, et sous une neige intense, Sasà et Ferraro vont se croiser.
En offrant les soixante premières pages de son roman à cette brute de Sasà, Gianni Biondillo plante à merveille son décor, celui d'une trajectoire incendiaire, d'un homme perturbé et aux abois. Des allers-retours à Naples pour la came, aux soirées orgiaques pour notables milanais, l'itinéraire dans la voyoucratie est connu, prévisible mais pas moins sordide. Et l'auteur dresse ce portrait, presque en opposition avec son enquêteur fétiche, Ferraro, l'homme soucieux de justice mais également fatigué, très fatigué par la marche de ce monde. Michele Ferraro c'est celui qui balance " l'expresso était désormais le dernier rempart de l'Italie contre l'invasion des Tartares, des Mongols, des Mandarins. " Et c'est cette saine lassitude, doublée d'une volonté de résister, qui va pousser l'inspecteur à établir une sorte de cordon de sécurité autour des femmes de Sasà, l'épouse, la fille, la soeur. Gianni Biondillo glissant, avec une certaine justesse, que ce sont, elles, les femmes qui payent le plus lourd tribut à la violence de la mafia.
Certes, le principe du flic un brin blasé n'est pas un scoop mais certains auteurs parviennent à transcender les clichés pour offrir, sinon une pleine originalité, un personnage qui a son caractère : ici un énorme sens de l'humour, une belle intelligence, au coeur d'une équipe qui ne manque pas de relief.
Le goût du sang est un polar remarquable, parfaitement ficelé, dans lequel Biondill, très critique, décrypte aussi la psychologie de ses compatriotes, " c'était la haine qui maintenait cette nation unie "... Souhaitons ne pas encore attendre sept ans avant une prochaine parution dans l'hexagone.

Le goût du sang (Il sapore del sangue, trad. Anne Echenoz), ed. Métailié, 357 pages, 22, 50 €
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