Littérature noire
16 Juin 2025
Comment parvenir au seuil de sa mort, sans avoir jamais été inquiété pour ses crimes ? Comment passer toute une vie non seulement dans le mensonge mais également en toute impunité ? Robert Spangler, mort en 2001 en détention après avoir à peine purgé une année de prison malgré une condamnation à perpétuité, a réussi à tromper son monde avec une recette simple : se faire passer pour le veuf éploré.
Avec Le veuf noir du Grand Canyon, Vincent Manilève raconte ce destin hallucinant, celui d'un enfant adopté, aimé, devenu une sorte de coqueluche à l'égo surdimensionné, doué en sport, à l'aise dans les métiers de la communication et charmeur. Avec sa première femme Nancy, c'est un peu le couple idéal, maison, deux enfants, job rémunérateur. Puis, l'homme s'ennuie. Une liaison voit le jour avec une collègue de travail, les disputes se multiplient avec Nancy, il quitte la maison puis revient. Et c'est elle, le 30 décembre 1978, qui abat ses deux ados avant de se donner la mort, laissant une lettre sans ambiguïté. Sauf pour les proches de Nancy. Mais la police ne va pas plus loin que cette thèse du suicide. Sans prendre le temps d'un deuil, le veuf s'installe très vite avec sa maîtresse, Sharon, qu'il épouse dans la foulée. Entre temps le père adoptif de Robert Spangler meurt à so tour dans des conditions... curieuses. En 1988, Robert et Sharon divorcent, le premier se remarie deux ans plus tard avec Donna qui trouve la mort "accidentellement" en 1993 lors d'une randonnée dans le Grand Canyon. Le double veuf retourne dans les bras de Sharon, malade, au point de faire une overdose médicamenteuse.
Encore une fois cette collection offre un petit bijou d'enquête hors-normes, multipliant les intervenants, shérif, amis, famille, et étirant l'histoire sur plus de 25 ans ! Et le monde de la police et de la justice américaine ne cessent de nous étonner, autant dans ses failles que dans son opiniâtreté. Jusqu'à poursuivre un vieil homme condamné par la maladie.
Le veuf noir du Grand Canyon, ed. 10/18 Society, 200 pages, 80, 30 €