Le nouveau Indridason entre prison et femme fatale

Arnaldur Indridason aime prendre son temps. Ces polars avec le commissaire Erlendur sont des éloges de lenteur et de contemplation de cette Nature hostile. Pourtant, l'Islandais n'a pas encore fait l'unanimité parmi les amateurs de polars : il lui manque sans doute un certain souffle romanesque, une dimension. Avec Betty, un polar sans Erlendur (c'était déjà le cas dans La rivière noire), paru en 2003 dans son pays natal, pas sûr que l'auteur arrive à convaincre tout le monde... Pourtant il y a là un très bel exercice de style.

Le lecteur débarque ainsi dans une prison islandaise où un membre du barreau se trouve en détention provisoire depuis plusieurs jours. Par le menu, il conte son quotiden, les interrogatoires avec les flics face à une glace sans tain, ses journées longues comme un jour sans pain à noter le nombre de pas des gardiens... Et son amour pour Betty. Cette pure femme fatale qui est venue le voir il y a quelques mois, lui, petit avocat financier spécialisé dans les quotas de pêche. Betty lui propose de travailler pour son richissime mari, l'une des très grosses fortunes de la pêche islandaise. Betty, sulfureuse, provocatrice et amante incandescente.

Le lecteur sait déjà que le mari va mourir, forcément. On attend alors la petite étincelle d'Indridason, le piment qui va un peu secouer cette affaire mille fois traitée dans d'autres polars. Et bing !, 108e page, le twist qui renverse tout, qui change les perspectives du roman. Là, Indridason quitte ses habits d'auteur patient et besogneux et emballe sa machine, pour finir quasiment dans un sprint.

Au final, un polar qui suscite la curiosité, qui prouve qu'Indridason a vraiment du ressort, une énergie. Cette parenthèse, très noire, dans les enquêtes d'Erlendur est la bienvenue. Betty n'est pas encore LE grand roman de l'Islandais mais cela ne saurait tarder.

Betty, ed. Métailié, 214 pages, 17 euros (à paraître le 27 octobre)