Cinglés ! : un gars, une fille, 50 000 dollars

Nancy Hayes est à la fois une garçe, une petite conne et une belle salope. La vingtaine aguicheuse, elle est la maîtresse de monsieur Ritchie, richissime propriétaire agricole des bords du lac MIchigan. Nancy se fait entretenir, vit entre un voilier, la maison de plage ou le cabanon de chasse, selon la présence de l'épouse de Ray Ritchie qui, bien sûr, ignore tout. Mais Nancy s'ennuie un brin. Alors elle fait des conneries. Comme percuter deux jeunes en voiture. Ou elle imagine des conneries. Et cette fois elle voudrait piquer les 50 000 dollars de la paye des ouvriers agricoles... "elle s'amusait comme une folle". Pour ce cambriolage, elle se verrait bien faire le coup avec Jack Ryan. Lui est une forte tête et une tête bien faite. Il a passé quelques temps en taule, pour des broutilles. Là, il vient de sécher le contremaître du domaine de monsieur Ritchie à coups de battes de base ball, une petite correction qui lui vaut encore quelques joueurs à l'ombre. Walter Majestyk, juge de paix, le récupère à la sortie. Lui propose un job dans son complexe de bungalows près du lac. Avant d'accepter, il fait un petit casse en plein jour, dans une villa...
Inédit de 2014, Cinglés ! n'est peut-être pas un roman d'une ambition démesurée, Elmore Leonard y conte le quotidien d'un brave mec, qui n'a pas toujours eu de la chance peut-être, qui trime pour gagner sa croûte, qui est sans doute un peut trop sûr de son pouvoir de séduction. L'auteur est en fait au plus près de son personnage, il le colle, le tourne dans tous les sens, montre une certaine affection pour ce Jack Ryan. C'est donc un roman qui traite d'un fait divers mais avec quelle manière ! Que ce soit Nancy ou Jack, ils prennent une dimension incroyable, dans un affrontement psychologique tout en finesse, deux personnalités complexes, jamais caricaturales. Entre un homme pris dans un engrenage de mauvais choix et une fille fatale qui ne sait plus comment donner un sens à sa vie, Elmore Leonard a fait son choix.
Cinglés ! possède quelques moments de grâce, lorsque le duo prend des pierres pour viser des baies vitrées !, et même s'il manque un petit quelque chose, cela reste un roman social fort, intelligent. Et qui, écrit en 1969, n'a pas pris une seule petite ride. Une intemporalité assez surprenante.

Cinglés ! (trad. Elie Robert-Nicoud), ed. Rivages, 298 pages, 9 euros.