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The killer inside me

Littérature noire

It's all one case : formidable livre d'entretiens avec Ross MacDonald

Publié aux Etats-Unis fin 2016 par les éditions Fantagraphics, It's all one case (The illustrated Ross MacDonald Archives), est le travail formidablement mis en page du célèbre journaliste américain Paul Nelson (1936 - 2006), fan de Dylan, de Clint Eastwood, des Ramones, Springsteen, Leonard Cohen... et donc Ross MacDonald. Ce livre est le le fruit de 47 heures (!) d'interviews avec le créateur de Lew Archer, entretiens réalisés en deux parties en 1976 (soit sept ans avant le décès de MacDonald) , une à New-York, l'autre à la maison de l'auteur. Paul Nelson pensait réaliser un grand reportage, cela n'a jamais pu être fait et il a revendu ses cassettes 3 000 $ en 1991...
Bien entendu avec 47 heures d'informations il y a de quoi faire. Et le livre est monumental, épais (290 pages), lourd, riche en iconographies et très bien organisé par thèmes : beginnings, first works, Hammett, Chandler, Fitzgerald, romanticism, students and teachers, the books... 20 chapitres dans la formule toujours très lisible du question réponse.
Difficile de faire un résumé d'un ouvrage aussi dense et à la lecture extrêmement riche et facile. Naissance en Californie, enfance dans l'Ontario, engagement dans la Navy, voyage dans l'Allemagne nazie d'avant la guerre... Les débuts littéraires sont intéressants, quand Ross Mc Donald de son vrai nom Kenneth Millar, explique qu'il a changé de nom au bout de quatre romans (sans Lew Archer) parce que sa femme (Maggie) a été la première à publier des roman, que cela le gênait puisqu'elle aussi écrivait du Noir. MacDonald était un nom de cousin, en Californie. The moving target a été le premier Archer écrit mais sous le nom de John MacDonald. Avant qu'un autre auteur, au même nom, lui écrive sa colère et que le John se transforme définitivement en Ross !
Le lecteur apprend aussi beaucoup sur l'initiation de MacDonald au roman noir, sa découverte du Faucon Maltais, en poche, dans un magasin de tabac. L'auteur s'épanche avec plaisir sur ceux qui l'ont influencé, ceux qu'il a lus, de Camus à Chandler, Dostoievski, Hemingway mais aussi Joyce Carol Oates déjà.
L'entretien va loin dans l'oeuvre, pousse Ross Mc Donald à s'interroger sur chacun de ses romans, sur ses personnages, sur sa collaboration avec Hollywood mais aussi sur le monde qu'il dépeint. La violence ? "Statistiquement, ce sont les personnes qui ont des flingues qui commettent des meurtres pas ceux qui sont dérangés mentalement. La différence elle se fait plus sur l'arme que sur la maladie mentale."
On aime bien aussi cet échange à  la subjectivité assumée lorsque Paul Nelson assène : "vous avez écrit probablement plus de romans policiers et plus de bons romans policiers que tout auteur. Pas de commentaire" répond Mc Donald. Et Nelson de poursuivre : "je ne pensais avoir un début de réponse à cette question". Mac Donald observe que : chaque auteur espère faire du bon travail et beaucoup de bon travail. Pour avoir juste écrit un bon livre comme Le corbillard zébré, je me trouve chanceux. J'ai été chanceux dans mon expérience, une bonne éducation, de sérieuses études de littérature et avec les artistes que j'ai croisé. C'est plus facile de devenir un artiste quand vous en connaissez quelques uns". Et là Paul Nelson y va à fond : "ce n'est pas que l'expérience, Chandler et Hammett ne sont pas morts jeunes mais ils ont respectivement écrit cinq et sept romans"... "Ils ont du inventer une tradition en quelque sorte, répond MacDonald. Ce que je n'ai pas fait. Et puis ils sont morts". Nelson repasse à l'attaque : "Chandler n'a pas inventé la tradition".  "Oui, il l'a fait : il a inventé les romans noirs de détective hard boiled". "Plus qu'Hammett ?" demande encore le journaliste. "Non, je fais juste une distinction" lâche l'auteur. Une partie de ping pong délicieuse.
Exemplaire travail de journaliste et même très rare travail de journaliste, à la fois passionné, curieux et très pertinent, It's all one case est un livre qui rend parfaitement hommage au talent de Ross Mc Donald, pas vraiment une biographie mais un livre qui va au fond des choses comme on en a rarement lu sur un auteur de littérature noire. Trop de livres sur les auteurs de polars ou simplement américain font cinq ou dix pages sur un écrivain puis passent à un autre ainsi de suite comme dans un énième collier de perles. Ici, c'est tout le contraire.
Gallmeister s'étant attelé, avec bonheur (et Jacques Mailhos), à la retraduction des aventures de Lew Archer, on espère qu'ils prévoient de traduire cet extraordinaire somme, un peu comme Rivages l'avait fait à l'époque pour Jim Thompson et le Coucher avec le diable de Michael Mac Cauley.


It's all one case, ed. Fantagraphics Books, 290 pages, 40 euros par correspondance.
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S
tres bon papier sur une somme journalistique que je méconnaissais et un auteur- ross mc donald que j'adule
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