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The killer inside me

Littérature noire

Celles qu'on tue : plongée dans les féminicides brésiliens

Nous allons parler du massacre autorisé des femmes ", résumait-elle. " Dix mille cas de féminicides dans les tribunaux,  non résolus. Voilà mon sujet. "
Quand la jeune avocate pauliste quitte son cabinet pour prendre la direction de l'état de l'Acre (nord-ouest du Brésil), elle ne s'imagine pas encore le chaos qu'elle va croiser. A la frontière du Pérou et de la Bolivie, ce n'est pas la jungle proprement dite, sauf que les bêtes sauvages sont les hommes. Partie pour assister à une cession de procès consacrée aux féminicides et violences faites aux femmes, le premier dossier va être le déclencheur de tout. La jeune indigène Kuratawa, à peine quatorze ans, Txupira, a été retrouvée assassinée, violée, torturée. Un pompiste chargé de nettoyer un 4X4 a remarqué des tâches de sang anormales sur le véhicule. Il a averti la police. Trois jeunes hommes de bonne famille sont interpellés. L'un avoue, donne des détails, puis revient sur ses déclarations. Au procès, les trois nient les faits. Carla Penteado, la jeune avocate générale tente de les coincer mais rien n'y fait : ils bénéficient d'un non lieu...
Les deux femmes se lient d'amitié, poussées par leur volonté de rendre la justice. Une photo de l'avocat de la défense avec des jurés est envoyée à une rédaction. L'affaire prend une autre dimension alors que l'avocate de Sao Paulo s'initie aux rites chamaniques en buvant de l'ayahuasca...
Celles qu'on tue est un roman d'une force impensable, un plaidoyer pour une justice forte dans ces dossiers de féminicides. Mais c'est surtout un roman très documenté qui raconte les horreurs, tout simplement ces meurtres du quotidien, ce droit de propriété qu'exercent les hommes sur leurs femmes, leurs compagnes, parfois leurs parentes. En cela, Celles qu'on tue est d'une vraie violence, n'hésitant pas à aligner les faits-divers, yeux grands ouverts sur les coups de machette, les coups de pieds, de poings, les coups de fusil. Patricia Melo est une autrice suffisamment talentueuse pour glisser tout cela dans un polar humide et chaud, une fiction parfaite, rythmée, tendue avec, en supplément, une vraie réflexion sur ce que devient ce bout de terre sauvage, annexée par les grands éleveurs, grands agriculteurs, repoussant les populations indigènes sur des terres de plus en plus pauvres, rabougries. On ne le voyait pas arriver mais Celles qu'on tue est un putain de livre qui dépote.

Celles qu'on tue (Mulheres empilhadas, trad. Elodie Dupau), ed. Buchet Chastel, 292 pages, 22, 50 euros
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