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The killer inside me

Littérature noire

Fuck Up : quand New-York était vraiment la jungle

Si tous les livres auto-édités étaient de cette trempe ! Oui parce que la légende veut que Fuck Up a d'abord été vendu à l'arrache par Arthur Nersesian lui-même il y a trente ans dans les librairies de New-York. Et ce n'est pas un hasard si c'est le patron de Akashic Books qui a décidé de le publier très officiellement (lire le bon article de Libération). Bref, de ce côté de l'Atlantique, il  aura fallu attendre 2023 pour se régaler de ces 332 pages d'aventures urbaines post-adolescentes, récit picaresque d'un jeune homme parti à New-York pour tenter sa chance mais qui va de désillusions en embrouilles, de colocations en chambres d'hôpital. Un festival drôle mais dur de quelques mois dans une ville sauvage, hostile parfois, crade le plus souvent. Le narrateur (Arthur Nersesian pour le coup) démarre son récit dans un confort précaire, employé d'un cinéma et colocataire chez sa chérie. En quelques paragraphes, il ne lui reste plus rien de tout ça. Il va se faire virer et de son job et de chez sa copine, il va passer à travers une vitre lors d'un braquage, il va se faire mordre au sang le mollet par la compagne de son meilleur ami, puis subir un passage à tabac par une bande de jeunes... le blurb du roman, écrit par Dominik Moll, évoque l'irrésistible After Hours de Scorsese :  il y a effectivement de cela. Et un peu plus. Parce que Nersesian évoque avec beaucoup d'émotion, ce New-York, personnage principal, ville impitoyable mais où, en ces années 80, on peut encore beaucoup faire, beaucoup espérer. Le narrateur, par exemple, lors de son nouveau job dans un ciné gay (ça dépote), va monter une combine avec l'autre manager du lieu, pour détourner un peu d'argent tous les jours et ouvrir un autre cinéma dans le New-Jersey. Et puis il trouve un deal avec un jeune yuppie pour lui louer le cinéma au black en échange d'un court poème dans sa revue. Côté coeur, une femme plus mûre s'accroche quelques jours à lui, et lui demande, au passage, de réprimander son jeune ado rebelle. Mais, le lecteur l'aura compris dès le titre, rien ne marche, tout s'effondre et le narrateur va réellement toucher le fond, dans des scènes de rue terribles.
On comprend parfaitement l'impact qu'a pu avoir Fuck Up sur les New-Yorkais nostalgiques de leur ville avant la boboisation et le tourisme infernal qui a flingué la Grosse Pomme. Quand on y pense : fermer une salle comme le CBGB et ouvrir un magasin géant M&M's, même si ce n'est pas au même endroit, cela incarne la douleur des habitants d'une cité qui pouvait s'enorgueillir d'un certain anti conformisme, d'une richesse culturelle. Fuck Up est un hommage sincère, douloureux et également un hymne à cette jeunesse frondeuse, rêveuse évidemment. Et la structure, en boucle, du roman, laisse penser que ces rêves, justement, ont un prix.

Fuck Up (trad. Charles Bonnot), ed. La Croisée, 332 pages, 22 euros
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