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The killer inside me

Littérature noire

Hérétiques : un subtil roman noir de Padura sur fond de libertés individuelles

Hérétiques : un subtil roman noir de Padura sur fond de libertés individuelles

Et bing ! Leonardo Padura est de retour en cette rentrée littéraire et ça fait du bien. Le Cubain, avec son fidèle Mario Conde, amateur de rhum de contrebande et de cigarettes matinales, refait, cette fois-ci, le monde avec un étrange tableau de Rembrandt, disparu entre La Havane et New-York, et un vrai plaidoyer pour la liberté de penser. Comme un bon cigare de chez Partagàs, Padura a divisé Hérétiques en trois tiers, tous aussi délicieux les uns que les autres. Ses romans sont toujours aussi ambitieux, nobles, humanistes. Avec cet humour qui a tout pour désamorcer des situations tellement dures, injustes.

Mario Conde, toujours affublé de son chien qui pue, de ses amis qui boivent et de sa copine qui ronfle, se fait engager par Elias Kaminsky, un Américain, peintre, assez riche, d'origine cubaine et juive. Son histoire familiale est terrible : en 1939, ses grands-parents et des centaines d'autres juifs, embarquent à Hambourg pour fuir l'Allemagne nazie, direction la Havane. Sauf qu'à Cuba, à l'époque, c'est la jungle. Il faut encore payer pour débarquer. Et rien n'est sûr. Des mouvements s'opposent en effet à l'installation de ces juifs. Le père d'Elias, 9 ans, était déjà à La Havane et attendait que ses parents, sa soeur, le rejoignent. Priant son Dieu pour que la situation se dénoue. Priant pour qu'un précieux tableau, transmis de génération en génération, soit un sauf conduit, une assurance-vie tout simplement. Las, le bateau repart, les parents débarquent en Allemagne trois semaines plus tard et cette fois, n'échapperont ni aux rafles, ni aux camps. Le tableau, de Rembrandt, réapparaît, lui, en 2008, dans une vente aux enchères. Et Conde doit chercher à savoir comment est-ce possible ?

Sur des faits réels, des situations sociales parfaitement justes, Leonardo Padura dépeint à la fois une Havane qui tire le diable par la queue, entre jeunesse sans avenir, margoulins et anciens du régime occupés à faire leur business. Mais aussi la formidable vitalité de ces jeunes qui, un jour, ont sû s'opposer, braver les interdits. L'auteur se permet un remarquable saut dans le temps, jusqu'à cette Amsterdam de 1643, alors véritable havre de paix, lieu de respect pour les juifs d'Europe. Une ville où Rembrandt se frotte aux diktats de ses clients tandis qu'un jeune juif apprend, ô sacrilège idolâtre, l'art de la peinture. Padura dresse ce formidable parallèle entre ces deux époques, ces deux espaces géographiques, soulignant à quel point la pression de la société, de la religion, ne s'est jamais démentie, au mépris des libertés individuelles les plus élémentaires. De quoi faire boire quelques litres de rhum supplémentaire à son ancien flic, sensible comme à son habitude.

Roman fascinant, teinté de nostalgie et doté d'une belle finesse, Hérétiques est un roman noir qui plonge le lecteur dans des réflexions inattendues. Mais c'est vrai que c'est souvent le cas avec cet auteur. On ne saurait trop conseiller cette lecture à Jean-Luc Mélenchon, toujours persuadé que Cuba est le paradis sur Terre...

Hérétiques, Léonardo Padura, édition Métaillié, 600 pages, 24 euros.
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