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The killer inside me

Littérature noire

Le lagon noir : la présence américaine sur le sol islandais

Le lagon noir : la présence américaine sur le sol islandais

Chez Indridason, tout ou presque commence avec un corps. On se souvient notamment du très beau La femme en vert. Ou Hypothermie. Cette fois, avec Le lagon noir, c'est Krissi, un ouvrier d'une entreprise d'aviation qui est retrouvé dans une source d'eaux chaudes. Le médecin légiste relève que le mort a fait une chute dantesque, après avoir été frappé derrière la tête. Mais ce n'est pas dans cet étang qu'il est mort. Il a été déplacé. L'impassible Erlendur, avec sa collègue Marion, va diriger son enquête vers la base américaine de Keflavik. Rappelons, pour ceux qui ont raté un épisode, que l'auteur plonge dans la jeunesse de son policier fétiche. Là, il n'a que 33 ans, on est en 1979. Précision importante car les Etats-Unis ont ces bases militaires en Islande qui excluent toute intrusion, tout regard extérieur. Une situation que beaucoup d'Islandais trouvent insupportables, quand d'autres se satisfont de pouvoir travailler avec les Américains. " Comme toutes les petites nations, nous sommes toujours en mal de reconnaissance, nous tenons à faire entendre notre voix dans le concert des grandes nations. Nous refusons de compter pour du beurre. Mais c'est évidemment le cas. Nous sommes quantité négligeable dans tous les domaines. " Evidemment Erlendur et Marion vont se heurter à une sorte de mépris des autorités de la base, une fin de non recevoir même pas diplomatique. Ce qui ne les empêchera pas de fouiner, de remonter une filière de contrebande... Dans le même temps, Erlendur reprend l'enquête sur la disparition d'une jeune fille qui date d'il y a 25 ans.

Les fans d'Indridason retrouveront les ingrédients qui font le succès de sa série : patience, témoins auditionnés les uns après les autres, recoupements d'indices et passé recomposé, absence de violences, gastronomie inventive (" raie faisandée à la graisse de mouton fondue "!) et, surtout, cette obstination à élucider les disparitions, apparemment si fréquentes sur l'île. C'est cela que l'on aime chez l'auteur, cette façon de prendre son temps. Cela en énerve plus d'un, mais il y a un calme qui ne cache toutefois pas les grandes misères de l'île, les fractures sociales. Cette fois, mais c'était déjà initié dans d'autres romans précédents, Indridason met bien l'accent sur la présence américaine sur le sol de son pays, sans parler d'impérialisme, il soulève la question, la pèse et on devine sans peine sa réponse. Baigné de nostalgie glacée, Le lagon noir poursuit une oeuvre à part, à la fois loin des codes traditionnels du polar et une trame somme toute classique. En refusant la violence physique, les scènes trop sanglantes, Indridason peut se concentrer sur les tensions sociales, les mouvements de son île. On préfère ce Erlendur-là, moins hypocondriaque que celui qu'il deviendra, plus sur le terrain aussi/

Le lagon noir (trad. Eric Boury), ed. Métailié, 319 pages, 20 euros.
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