Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

Attica Locke : "mon père n'a pas pu finir Pleasantville "

Elle est l'une des rares femmes noires écrivains. Et quasiment la seule dans la littérature policière. Avec Pleasantville, la Texanne, désormais installée en Californie, aborde la corruption des élites noires à Houston à la fin des années 90. Un polar au souffle politique rare. Et à l'écho personnel inhabituel chez un auteur.

Qu'est-ce qui est proche de la réalité dans Pleasantville ? L'élection d'un maire noir ? Le personnage de Reese Parker, spin doctor auprès de Bush par la suite ?
Pleasantville existe vraiment et son histoire dans le livre est la véritable histoire. En 1949, deux investisseurs juifs ont eu l'idée de créer quelque chose de nouveau : une communauté organisée pour les familles noires qui ont de l'argent, celles qui ne pouvaient devenir propriétaires nulle part ailleurs. C'est tout aussi vrai que Pleasantville est devenue une place forte politique depuis ses origines, qui a influencé plusieurs élections. Le quartier a une culture d'engagement civique qui a duré des décennies, même quand la population a commencé à changer. J'ai découvert Pleasantville – que je ne connaissais pas alors que je suis née et que j'ai grandi à Houston – quand mon père a été dans la campagne pour la mairie de la ville en 2009 ! J'ai été fascinée par le fait ques tous les hommes politiques se rendait là-bas pour courtiser des voix. C'était alors des habitants de la classe moyenne moins. Quand j'ai connu l'histoire du quartier, cela m'a vraiment intrigué. Quant à la véracité des personnages, Houston a bien élu un chef de la police noir comme maire en 1997 et il avait été nommé patron de la police de Houston par la première femme maire, Kathy Whitmire, qui a été le modèle du personnage de Cynthia Maddox, dans Marée Noire et Pleasantville. L'idée de Reese Parker vient de recherches que j'ai faites sur les nouvelles façons en matière d'élections qui sont apparues dans le pays. Le livre de Sasha Issenberg, The victory Lab, m'a beaucoup aidé sur ce sujet. Que le nom rime avec l'opposante de mon père en 2009 m'a amusé (ndlr : Annise Parker a remporté l'élection de 2009 devant Gene Locke. Elle est devenue la première maire lesbienne.)

C'est authentique cette histoire de tract diffamatoire qui implique le candidat Hawthorne ?
L'idée de tracts envoyés comme ça dans un quartier, avec de fausses informations sur un candidat, est assez commun chez nous. J'en ai fait l'expérience durant la campagne de mon père. Il y avait des mails assurant qu'un prêcheur anti gay supportait mon père et il est apparu que mon père n'a jamais été soutenu par ce prêcheur mais qu'en plus, ce prêcheur n'a jamais existé. Tout cela était concocté pour que mon père apparaisse comme un anti-gay. Mon père, qui a un des premiers activistes - et Jay est un peu calqué sur lui - a été dépeint comme une grenouille de bénitier pendant cette campagne. C'était vraiment une expérience difficile pour notre famille. Cela m'a aussi appris de ne pas croire tout ce qui se dit sur les hommes politiques...

Il y a un personnage qui s'appelle Robicheaux dans ce roman. C'est un clin d'oeil à James Lee Burke ?
Je ne l'ai pas fait consciemment en tout cas. Dans ce coin du Texas il y a beaucoup de noms créoles français qui viennent de Louisiane.

La communauté noire que vous décrivez n'est pas exempt de reproches, notammment avec le personnage équivoque du vieux Sam Hathorne.
Oui, je crois que le pouvoir corrompt tout le monde. Mais je crois aussi que l'on peut trouver dans des populations marginalisées, des hommes et des femmes qui aiment à jouer ce rôle de lien avec le pouvoir en place. Et comme le monde évolue, que nos politiques (heureusement progressent), il y a certaines personnes qui ne veulent pas perdre ce rôle de leader. Même s'il faut, pour cela, que leur population reste marginalisée à cause d'eux. Sam Hawthorne aime être le seul qui a accès au pouvoir blanc dans la ville.

Pleasantville, le livre, est aussi une violente charge contre l'industrie chimique. Est-ce que la situation a évolué depuis 1996 ?
Je crois qu'à un moment dans le livre, je décris Houston, ma ville de naissance, comme une ville chimiquement trempée. La plus grosse industrie, c'est celle du pétrole et du gaz, pendant ces 70 dernières années. Ce qui est venu avec ce sont les produits dérivés, la pétrochimie pour d'autres usages. C'est un vrai problème et on l'a vu après le passage de l'ouragan Harvey l'an passé, avec des explosions directement liées aux sociétés pétrochimiques. Il y a aussi eu l'énorme explosion d'une usine chimique qui a détruit une bonne partie de Pleasantville. C'est cet accident que j'ai utilisé dans le livre. Le seul truc c'est que j'ai fait de mon héros, Jay Porter, l'avocat des victimes. Cela me paraissait juste que des années après Marée Noire, il devienne un avocat de l'environnement.

Jay Porter revient donc. Mais est-ce que c'était prévu ?
Non. Mais comme je le dis mon père a été candidat à la mairie en 2009, j'étais aux premières loges pour quelque chose qui se déroulait à peu près trente ans après mon premier roman. C'était surréaliste. Alors que je travaillais sur la campagne de mon père, j'ai rencontré de nombreux personnages que j'avais décris dans Marée Noire, que ce soit des syndicalistes, des pasteurs noirs, des journalistes, des types véreux du monde du pétrole... Je savais que je devais écrire sur ça. Mais je ne voulais pas forcément faire de Jay mon personnage principal. Je pensais que je pouvais écrire le roman à partir du point de vue de Lonnie, la journaliste. Et puis à la fin, j'ai compris que si je voulais que ce soit une continuation de l'histoire de l'Amérique d'après les Droits Civiques, Jay était le personnage parfait pour nous guider dans l'histoire. J'ai pris alors une grosse respiration et j'ai essayé de dépassé mes peurs d'écrire à nouveau sur lui.

Est-il facile d'écrire comme vous le faites sur la communauté noire ? Comment ont-ils accueilli le roman au Texas ?
Oui, écrire pour ces communautés est comme une seconde nature. Je comprends les Texans noirs. Et je peux voir le monde à travers leur point de vue. La réaction à Houston et au Texas a été incroyablement positive. Pas seulement parce-que les gens aiment l'histoire, mais j'entends aussi encore et encore des lecteurs me dire que ça a du sens pour eux que leurs quartiers, leur ville, leur culture fasent partie de la littérature. La seule personne qui a toujours eu du mal avec le livre est mon père. Il ne veut rien revivre de son élection, qui fut un événement douloureux pour chaque membre de notre famille, et il ne supporte pas de penser à Jay comme un veuf. Cela lui brise le cœur. Il est évident que Jay est un croquis de mon père. Il se voit dans le personnage et lire que Jay perd sa femme était trop difficile pour mon père. Il n'a jamais fini le livre. Je lui ai dit «c'est pas grave». Il n'y a jamais eu personne pour écrire un livre où le personnage principal me ressemblerait... J'ai du mal à imaginer ce que ça fait.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire Pleasantville ?
Une année, en ne travaillant sur rien d'autre.

Vous écrivez aussi des scénarios et comment organisez-vous votre vie entre Hollywood, les séries télévisées et les romans ? Partagez-vous vos journées en deux ou trois exercices d'écritures ?
Bien que je vive dans deux univers, je ne peux écrire qu'une seule chose à la fois. Et jamais deux choses dans la même journée ! J'ai écrit Bluebird, Bluebird alors que je travaillais toujours sur un show télévisé, Empire, ce qui signifie que durant la semaine, je travaillais à la télé et les week-ends j'écrivais le livre.

En quoi consiste votre travail au Sundance Institute ? 
J'étais un membre de l'université du Sundance Institute il y a des années. Ils avaient une « unité ,» un laboratoire pour longs métrages pour les cinéastes à venir et je faisais partie de leurs ateliers. J'ai voulu pendant longtemps devenir réalisatrice.

Pensez-vous, comme beaucoup de gens le disent en Europe, que le film Black Panther est le premier héros noir de l'histoire d'Hollywood ?

Je pense que ce qu'il y a de plus révolutionnaire à propos de Black Panther n'est pas simplement le fait qu'il y ait un héros noir mais plutôt l'histoire et la distribution qui respirent  l'amour d'une Afrique décolonisée. C'est une vision du monde que nous n'avons jamais connu auparavant. Comme d'avoir tant de belles personnes à la peau noire dans un film (américain).

Etait-ce vraiment une révolution quand Barack Obama est devenu le premier président noir ? A-t-il été un bon président, pas juste pour la communauté noire mais pour les Américains ?
Nous vivons des temps tellement difficiles que parfois il est presque trop douloureux de se remémorer la grâce, l'élégance, l'éducation et la bienveillance de Barack Obama. Mais je dois me rappeler ce qu'il s'est passé. C'était réel et ça comptait. Son élection est l'un des plus importants moments de l'histoire américaine. C'était un assez grand président. Mais pas parfait. Mais je crois que c'est injuste d'insinuer qu'il ne devait pas commettre d'erreurs simplement parce-qu'il était le premier président noir.

Nous n'avons en France aucune nouvelle du mouvement « Black Lives Matter» ?
Le mouvement se poursuit mais honnêtement, il y a le sentiment d'un tel chaos dans mon pays en ce moment, qu'il est difficile de se focaliser sur tout, du moins c'est dur pour moi. Vous êtes concentrés sur «  Black Lives Matter » un moment et ensuite inquiet
s sur l'holocaute nucléaire, et alors survient une tuerie en mlieu scolaire, un territoire américain (Puerto Rico) qui n'a plus d'eau potable. Et pour finir, les gens sont abandonné par la Maison Blanche et pointés du doigt. L'Administration de Trump est épuisante.

Est-ce-que la situation est aussi critique qu'elle paraît avec le Président Trump ?
Oui. C'est le pire moment il me semble de l'histoire américaine... à l'exception de l'esclavage. Mais, si ça se trouve, Trump essaiera de le réintroduire la semaine prochaine. Cette homme est fou.

Savez-vous quand Bluebird Bluebird sera publié en France ? 
J'espère bientôt ! Bluebird, Bluebird est le début d'une série, le prochain roman sera donc connecté au premier et avec le personnage Darren Mathews, un Texas Ranger noir.

(entretien réalisé par mail le 9 mars)

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article