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The killer inside me

Littérature noire

Immobilité : Evenson annonce la fin de l'Homme

Finalement, quand on y songe vraiment, quand on pèse bien tout ça : l'Homme mérite-t-il vraiment de rester plus longtemps sur cette Terre ? C'est tout naturellement la question que se pose Josef Horkaï qui vient d'être réveillé après un sommeil cryogénique de trente ans. Ses "sauveurs" lui demandent d'aller chercher une "graine" dans un cylindre, dehors, à l'extérieur de leur abri. Lui peut y aller, il est de constitution solide, une constitution ancienne, même s'il n'a plus l'usage de ses jambes. D'ailleurs, deux hommes, deux mules comme on les appelle, seront chargés de le porter pour cette mission. Horkaï va traverser une région de poussière, de ruines, sans arbre, sans rien de vivant. DE ce voyage, il va profiter pour tenter d'en savoir plus sur le monde en échangeant avec les mules. Mais celles-ci sont formatées, ne savent que ce que leur gourou a bien voulu leur apprendre.
Formidable fable d'anticipation, dans une veine SF très sombre, angoissante, Immobilité (avec L'Antre, chez Quidam, novella reflet) signe le grand retour de Brian Evenson, même si celui n'a jamais vraiment cessé d'écrire. Les fans retrouveront là ses angoisses, son pessimisme et sa critique, à peine voilée, de toute forme de religion (Horkaï passe une ou deux fois devant des ruines de bâtiments mormons). Sans expliquer ce qui s'est finalement passé sur Terre, Evenson écrit que la chose était largement prévisible, que l'Homme n'apprend pas du passé, ne tire pas les leçons. Et il en tire donc une sentence, qui reste suspendue : on ne mérite pas de survivre. Car il est question de cela dans Immobilité : la race humaine ne se reproduit plus, elle a besoin d'ovules, de spermatozoïdes, tout cela congelés et quel groupe, quelle tribu ou quelle "ruche", comme ils s'appellent, va en bénéficier ? Entre rêves, semi-conscience, voyage sans fin, le personnage d'Horkaï incarne toutes les interrogations de l'auteur. A la façon d'un Schopenhauer, de ce toute cette école du pessimisme allemand, Brian Evenson nous dit que ce monde est bien le pire des mondes et qu'il se portera mieux sans nous.

Immobilité (Immobility, trad. Jonathan Baillehache), ed. Rivages, 270 pages, 22 euros
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