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The killer inside me

Littérature noire

Les contemplées : prison bricks

Prison pour femmes  de La Manouba, à l'ouest de Tunis. Pas vraiment un modèle d'humanité. Ou de salubrité. C'est là qu'échoue, en plein été, la narratrice des Contemplées. Française de la classe moyenne, elle ne dit pas pourquoi elle se retrouve en détention. Tout juste le lecteur sait elle qu'elle a fait un acte répréhensible, choquant. Pas un meurtre, pas un braquage. Dans l'attente de son procès la voilà au pavillon D : trente mètres carrés pour près de trente détenues. Etroit mais bien tenu. Et pas trop mal fréquenté en comparaison des autres pavillons.
Quand elle débarque à La Manouba, la narratrice doit, en préambule, supporter, l'humiliation de la fouille au corps, brutale, insistante. Sans comprendre un mot d'arabe, la voilà rhabillée d'un pantalon XXL et d'un chemisier sans forme. Aux pieds, une paire de pantoufles usagers, " c'est comme enfiler un slip porté par vingt personnes avant soi ". Apeurée, méfiante, perdue, elle grimpe sur son lit, sans demander son reste. Puis Hafida, co-détenue solaire, s'approche d'elle et la tranquillise, lui offre un bout de pain, un peu de beurre. Le lendemain, les choses se décantent, un semblant de confiance se fait jour. La narratrice prend la main qu'Hafida lui tend et s'amuse à lui lire les lignes de la main. A partir de cet instant, elle devient La voyante. Ou Bolona. Confidente occidentale, elle se voit confier les vies, les tourments, les condamnations, de ces coturnes. Celle-ci, battue depuis son enfance, battue par son père, ses frères puis son mari, a pris un couteau et un flingue le jour où son époux a levé la main sur une de ses filles. Celle-ci, emprisonnée pour avoir fait fuiter un simple sujet du baccalauréat. Celle-là, pour avoir coucher avec un homme non marié. Et Boutheina, l'ancienne, gardienne de dons miraculeux, grand-mère mutique mais tendre, en prison pour le meurtre d'une voisine. Dans l'extrême dureté de la détention, dans la violence du quotidien, Bolona va découvrir des trésors de générosité, de gentillesse, de beauté.
Roman autobiographique, Les contemplées est un formidable témoignage de la situation des femmes tunisiennes mais aussi de leur combattivité, de leur grandeur d'âme. Bien sûr, et Pauline Hillier, l'autrice, le dit très vite, ce pavillon D est sans doute celui qui réunissait les détenues les plus équilibrées, les moins violentes. Mais pas les moins martyrisées par cette société religieuse et patriarcale. Les rencontres sont étonnantes d'honnêteté, pas simples de prime abord, mais rapidement émouvantes, touchantes. Pauline Hillier a le bon goût de ne pas en rajouter dans les faits qui incriminent ses codétenues, les histoires se suffisent pour dénoncer des injustices que la révolution de jasmin n'a pas balayé. Un texte poignant, en forme d'hommage aussi, à ces femmes qui ont pris soin de l'autrice, sans rien attendre en échange. Un beau roman d'humanismes.
Une courte recherche sur le net permet de mesurer l'état du système carcéral tunisien et l'opacité, la violence qui règnent sur les conditions de détention des femmes.

Les Contemplées, ed. La manufacture de livres, 178 pages, 18, 90 euros
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