Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

Les terres animales : l'amour en zone radioactive

Ils sont cinq à être restés après l'accident nucléaire il y a deux ans. C'était leur maison, leur village, leur vie mais surtout, pour Fred et Sarah, c'était là qu'était enterrée leur petite fille, Vic. Avec Marc et Lorna, un autre couple voisin, et Alessandro, ils se déplacent, quand ils sortent, dans des combinaisons complètes, compteur Geiger affolé en bandoulière. Ils ont écumé toutes les maisons, tous les commerces pour récupérer de quoi survivre et avec leur petit potager, ils estiment avoir trois ans de nourriture devant eux. " Trois ans, c'est notre horizon. On ne le dépasse jamais. Tout ce qu'on vit, tout ce qu'on imagine se borne à trois ans. " L'arrivée d'une famille ouzbek, qui a travaillé sur le site de la centrale lors de l'accident, crée un peu d'animation, de renouveau. La vraie fracture, c'est lorsque Sarah annonce qu'elle est enceinte. Et peut-être pas de Fred...
Roman d'apocalypse, même si elle est très circonscrite, Les terres animales n'est pas sans rappeler les terribles images de la catastrophe de Tchernobyl ou même l'excellente série qui en fut tirée. Pourtant, l'auteur ne raconte que très vite l'explosion. Il parle juste du corium, le fameux mélange à 3000 degrés qui mixe l'uranium, divers matériaux fondus et s'enfonce inexorablement dans le sol, sans possibilité, ou presque, d'être refroidi, encore moins d'être décontaminé. Laurent Petitmangin en écrit à peine une page mais cela suffit à glacer tout le récit. La puissance de ce court roman est bien de parvenir à contourner le catastrophisme pour parler des relations humaines, de ce qu'il en reste au final, de ce qui se joue là. Il y a une partie de football, en combinaisons, il y a des repas, ponctués de bon vin. Mais il y a surtout l'ombre d'une fin que personne ne dit. Les fameux trois ans. Il y a aussi des relations qui s'effritent : " notre amour n'a plus rien des premières années. Toute sa surface est lessivée, salement lessivée. Et rien dans les jours qui s'abattent ne ramène la moindre légèreté qui pourrait faire notre bonheur. On s'aime encore d'un amour assommé. Vitrifié. "
Comme dans Ce qu'il faut de nuit, l'auteur a une délicatesse, une pudeur pour parler des sentiments, des renoncements, qui n'appartiennent qu'à lui. Sans, bien sûr, verser dans la niaiserie, il parvient à faire de Fred et Sarah un couple aussi fort que fragile, avec une mention spéciale pour ce personnage de Sarah. Il y a certes le message sur le danger concret du nucléaire mais il y a aussi ce superbe canevas humain, cette micro société qui ne sait pas si elle doit se réinventer ou même si elle peut. Un roman assez inclassable dans son genre. Et c'est plutôt une bonne chose.

Les terres animales, ed. la Manufacture de livres, 222 pages, 18, 90 euros
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article