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The killer inside me

Littérature noire

Les frangines : histoire de poker et d'usine

Poursuite, tout en bonheur, de l'oeuvre de Denis Soula, chez Joelle Losfeld. Petits romans ou novellas dodues, on appellera comme on veut ces formidables histoires d'un peu plus de cent pages. Avec, encore, des femmes au coeur, des femmes au premier plan. Mais attention, Denis Soula n'est pas là pour faire un discours ou prendre une pose en faveur des droits des femmes. Loin s'en faut. Simplement, ses héroïnes, ses protagonistes principales sont des gonzesses, des femmes, des filles. Ici, la narratrice est une joueuse de poker professionnelle. Et une insomniaque. L'un dans l'autre, c'est plutôt bien. Mais au début des Frangines (paru en 2015), cette trentenaire apprend qu'elle est frappée d'un crabe qui ne pardonne pas. Le choc est rude mais elle encaisse, surtout ne dit rien à sa soeur, mère célibataire, ouvrière dans une usine déplacée en Roumanie. Elle ne dit rien et continue ses parties, sa vie nocturne absolument fabuleuse, peuplée de gens ordinaires et extra-ordinaires. Riches en émotions et en gains à perdre la tête.
" Les garçons préfèrent parler de toute autre chose que de leurs cauchemars. Moi aussi. Je les croise à présent au hasard de la nuit, marchant dans la rue, le chien au bout de la laisse ou accoudés au zinc avec une bouteille, une femme et une histoire dont je connais le début. "
Il y a une poésie bienveillante chez Soula qui va jusqu'à vous faire apprécier deux pages sur le poker. Parce que, comme pour le base ball hein, nous ne sommes pas tous des férus de quinte flush, de full aux as par les rois. Et pourtant, quand c'est écrit, quand c'est vif, cela passe crème. Il y a un style Soula où la violence est souvent dans les sentiments, avec beaucoup d'amours fauchés, de désirs assouvis, de séparations, de non-dits. Et puis il y a la violence de la société, avec le courage de ses deux soeurs, élevées côte à côte et qui ne peuvent plus se quitter, malgré leurs vies si différentes. C'est cet amour aussi qui enflamme les pages des Frangines, dans un monde dur pour chacune d'entre elles, l'autre, la soeur demeure un refuge certain, un phare dans certains moments. Prendre des femmes comme personnages centraux renversent les us, déstabilisent les réflexes de lecteurs, parce que Soula se glisse avec souplesse dans la psyché féminine : les deux soeurs n'agissent et ne réagissent pas comme des mecs évidemment, ce ne sont pas des Lara Croft non plus. Leur courage va bien avec leur sensibilité, leur intelligence également. Les dernières pages sont à crever de larmes.

Les frangines, ed. Joëlle Losfeld, 112 pages, 14, 50 euros
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