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The killer inside me

Littérature noire

Hervé Le Tellier évoque Queneau, Asimov, les Clash, le Nicaragua

Sur ce blog n'a été lu que L'anomalie. C'est peu de l'oeuvre d'Hervé Le Tellier. En revanche, on a pu croiser l'auteur lors de sa visite à Libri Mondi en septembre 2022 et, il faut le reconnaître, l'homme est fascinant, très drôle, réellement humble. L'idée de lire un long entretien d'un pareil monsieur dont on a dévoré qu'un seul roman, même si celui-ci est épatant, n'est donc pas si saugrenue. Et ce Bookmakers, dirigé par Richard Gaitet est un vrai bonbon à offrir à tous les amateurs de littérature certes, mais également tous les amateurs de belles choses tant Hervé Le Tellier y déploie une simplicité désarmante et une connaissance pointue.
Il y est question de son enfance, encore une fois capitale, notamment pour l'approche du livre grâce à une librairie en bas de chez lui, à Paris. Porté sur la science-fiction - et le superbe cycle des robots d'Asimov - il a été marqué par Des fleurs pour Algernon (Daniel Keyes) : " cette lutte contre la montre m'a ouvert les yeux à douze ans sur la finitude, la mort, sur le temps donné pour accomplir quelque chose dans sa vie. " Il lit tout ou presque, très jeune : Villon, Aragon, Romain Gary, Boris Vian... corpus aussi formateur sans doute que l'extrême myopie qui le frappe, " ça peut être utile pour développer l'imaginaire. "
Puis est abordé son engagement politique auprès de la LCR, de l'organisation du premier concert des Clash en France, en mai 1978 pour le journal Rouge. Il part également au Nicaragua faire un bout de révolution, écrit un livre d'économie, réussit le concours du Centre de Formation des Journalistes et bosse pour Sciences et Avenir, Sciences et vie junior, devient rédacteur en chef, croise un Steve Jobs en pleine éclosion.
Enfin vient son adhésion à l'Oulipo en 1992 , passage logique après son adoration pour Queneau dès 16 ans et Pérec trois années plus tard. C'est la période quand, à 35 ans, ce mathématicien de formation, va écrire, de tout, et presque tout le temps.
Richard Gaitet, fin connaisseur de l'oeuvre de Le Tellier, pousse celui-ci à décortiquer ses oeuvres et il s'exécute avec un vrai plaisir, de celui qui veut partager, expliquer son travail, sa perpétuelle remise en question, ses interrogations. C'est assez troublant de lire cette envie de tordre les mots, tordre les phrases, écrire sous cette contrainte propre aux oulipiens pour obtenir de l'inédit qui fait sens mais, surtout, qui fait beau. Hervé Le Tellier parle de son fils prénommé Melville (" il a finalement hérité de deux prénoms, Melville et Virgile, comme le guide de La Divine Comédie de Dante. C'est un peu lourd à porter mais il va se démerder "), parle d'argent, de ses projets, de l'adaptation en série de L'anomalie et, à la fin, offre même un exercice d'écriture aux lecteurs ! Pas une seule ligne de flagornerie dans tout cela, pas une seule ligne d'ennui : des infos, de l'humain, bref un entretien littéraire comme on en lit peu.

Bookmakers Hervé Le Tellier, ed. Arte/Points, 135 pages, 11, 90 euros
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