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The killer inside me

Littérature noire

Voyoucratie : quand un caïd compte ses points retraite

Réédition ces jours-ci de ce polar de Dominique Forma daté de 2012, paru initialement chez Rivages. Voyoucratie, c'est l'ADN de l'auteur, avec un certain penchant pour le cinéma façon Sam Peckinpah, le goût pour l'érotisme parfois cradingue (ah cette asiatique à la fin) et, toujours, des références musicales joliment glissées (le sosie de Lou Reed est inoubliable).
Tout démarre avec Francis, parrain parisien qui se trouve, à 51 ans, un peu enrobé et se dit que c'est un message de son corps, qu'il est temps de se retirer. Mais on ne quite pas la pègre où l'on a régné pendant trois décennies comme une partie de Uno. Il faut préparer les choses, savoir que l'on pourra dormir sur ses deux oreilles. En l'occurrence, Francis aimerait connaître la confiance qu'il peut placer dans son second, son homme de confiance et de l'ombre, Buko (pseudo tiré de Bukowski). Pour le tester, il laisse traîner une rumeur : il a mis à l'amende Kahous, autre caïd versé dans la came et les boîtes SM. Sauf que le stratagème se retourner contre lui : Peter, un homme de main violent et surtout toxico, l'enlève et veut le livrer à Kahous. A Franconville, banlieue riche de ses ronds-points et de zones commerciales, le Peter en question se retrouve en panne de fourgon, obligé de traîner son prisonnier tandis que des hommes de Francis l'ont en ligne de mire.
Dominique Forma n'est pas là pour ramasser du muguet ! Son triangle criminel évolue comme une partie d'échecs et si les blancs, à savoir Francis, ont ouvert la partie, pas sûr qu'ils la gagnent. Alliance, trahison, paranoia, business, en Voyoucratie plus qu'ailleurs la fin justifie les moyens et l'auteur dessine cela comme La horde sauvage, avançant inéluctablement vers son sort, dans un bain de sang, de violences.
Trois ans avant le politique Amor et donc les excellents Albuquerque et Manaus, Dominique Forma prouvait son immense culture et sa capacité à se fondre dans un genre pour le faire sien. Parce que si c'est du pur roman noir (sans un képi à l'horizon), c'est donc également du pur Forma. Avec ce talent pour mettre en chair ces trois voyous, crevures sans nom mais aussi des petites gens, de Lou le balayeur à Fred, le black balourd amoureux de Salina. La séquence de ramassage de caddies dans les rues de Franconville, un dimanche, vaut son pesant d'or. Enfin, il y a cette peinture de la grande couronne parisienne : un enfer de mochetés, de tristesse et de turpitudes. De quoi définitivement broyer le moindre soupçon de romantisme sur la vie des criminels. Une réédition bienvenue en somme. En prime : une préface du pape François (Guérif).

Voyoucratie, ed. La Grange batelière, 181 pages, 13 euros.
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