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The killer inside me

Littérature noire

Les fantômes du lac : entre Simenon et Poltergeist

Allez, parlons de fantômes ! Parlons des bruits la nuit, des ombres, des présences, des phénomènes qui se répètent dans un même lieu. Y croire ou pas, n'est ici pas la question. A Varin-le-Haut, dans la Marne, les résidentes d'un Ehpad témoignent depuis plusieurs années de la présence de deux fillettes dans les couloirs, les chambres. Est-ce l'âge, entre sagesse et fatigue, mais ces personnes âgées ne s'en offusquent pas forcément. Ce qui n'est pas le cas du personnel, parfois terrorisé. Manon Gauthier-Faure, journaliste, a décidé de faire le déplacement dans ce coin terreux de l'est de la France. Pour y découvrir que le 6 mai 1978, deux soeurs, Marielle et Nathalie Frine, 11 et 12 ans avaient disparu, avant d'être retrouvées mortes dans un étang tout proche. La légende rurale disait qu'elles se tenaient la main. Ou encore que leurs mains étaient proches au moment de leur découverte. Ce qui est certain, c'est que leurs corps ont reposé dans une annexe de l'Ehpad pendant quelques jours avant l'inhumation. En 1978, l'enquête avait conclu à une noyade accidentelle.
Ce que recherche Manon Gauthier-Faure, ce sont des souvenirs de cette tragédie, des souvenirs, des précisions. Or, tout le monde semble avoir effacé la famille Frine de sa mémoire. Parce qu'ils n'étaient pas du village. Parce qu'ils étaient "pauvres". Plus que le côté mystique final, avec lithothérapie, c'est bien cette enquête chez les habitants qui séduit dans Les fantômes du lac. Entretien avec la logeuse de l'autrice, avec son mari. Avec les aides-soignantes, la directrice de la maison de retraite. De fil en aiguille, un témoin, une proche sont appelées à la rescousse et l'autrice entre dans des corps de ferme, traverse le canton, " les gares désertes et grises où le train ne s'arrête pas, les champs de colza à nouveau en fleur, immenses moquettes ensoleillées, le canal vert d'eau, les jardinets bigarrés. "
Manon Gauthier-Faure est à deux doigts de tomber dans le reportage façon RMC Découverte mais elle garde sa réserve et sa rigueur, ne juge pas ceux qui assurent guider les âmes, évoquent les énergies ou se protègent avec de l'obsidienne. Elle rend compte. Parce qu'elle sait aussi que la "présence" des deux jeunes filles à l'Ehpad ne peut pas être le fruit d'une hystérie collective. Les fantômes du lac est un texte osé qui renvoie, dans un monde très cartésien, le lecteur à sa peur de la mort, à ses questionnements, autant de sujets très étudiés dans les sciences sociales. L'autrice confie dans sa note de fin d'ouvrage que l'idée du livre n'était pas évidente : elle s'en tire avec bien plus que les honneurs.

Les fantômes du lac, ed. Marchialy, 167 pages, 19 euros
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