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The killer inside me

Littérature noire

Rabbit Hole : violence en cols blancs sur les plages du Cap

Dans son fauteuil roulant, le colonel Kaisey Vula demeure d'une dangerosité extrême. Même diminué physiquement, il continue de tirer les ficelles pourries du renseignement en Afrique du Sud. Ce qu'il veut ? Une part de l'énorme contrat que sont en train de négocier un fond américain, le gouvernement et une entreprise de BTP sud-africaine pour la construction d'installations électriques et d'évacuation dans tout le pays. Vula a deux billes dans ce jeu : un de ses hommes est le responsable sécurité de l'entreprise de BTP, un assassin, capable de placer des micros comme de visser un silencieux. Et il a aussi dans sa manche, le comptable du fond américain. En place, le paraplégique.
Pourtant le contrat risque de capoter avant que l'encre ne sèche : la PDG de la boîte de BTP juge la proposition surdimensionnée pour son entreprise. Et surtout, elle ne souhaite pas que ces sommes faramineuses soient une dette de plus pour des générations de sud-africains. De quoi s'opposer frontalement à son frère, directeur ambitieux de la société, prêt à presque tout pour obtenir ce fameux contrat. Derrière cela, il y a aussi le jeu trouble de la CIA qui place peut-être des pions pour faire oublier le rôle de certain(e)s au temps de l'Apartheid. Fish Pescado, lui, le détective privé, a enquêté sur le meurtre du mari de la PDG et travaille désormais pour l'amant de celle-ci, le banquier qui doit justement réunir la manne en dollars. Vicky Kahn, la compagne de Fish, ancienne agente des renseignements sud africains, aujourd'hui avocate, se concentre sur la mort suspecte d'un ancien collègue. Et les Yankees pourraient d'ailleurs être derrière tout cela.
En cette période de vaches maigres sur le front de l'espionnage, Mike Nicol donne un coup de fouet au genre avec ce remuant Rabbit Hole. Complexe, vicieux, violent, ce cinquième tome des aventures de Pescado et Kahn poursuit sa radiologie de la société sud-africaine, plongée dans les arcanes des marchés publics et des agents troubles. Bien entendu que l'intrigue offre plusieurs tiroirs, que le lecteur est parfois pris dans un maelstrom de mouvements, de combines. Ce n'est pas Oui Oui au pays des jouets ! Et pourtant Mike Nicol cerne ses personnages avec un talent fou, du comptable d'origine indienne, célibataire pas du tout endurci, au patron de banque, beau gosse sur son voilier, en passant par la femme PDG, soucieuse de sa famille et de son entreprise. Au passage, l'auteur fournit encore quelques beaux rôles aux femmes sud-africaines, batailleuses et même bagarreuses mais également victimes d'une violence sèche. Il y a notamment une scène de flingage avec des sales types aux masques de lapin et de renard qui pimente joliment le coeur de Rabbit hole.
Entre polar et espionnage - et surf aussi tout de même ! - Mike Nicol réussit encore à remporter la mise. Ce n'est pas chose évidente avec un pavé de plus de 500  pages, à propos de politique dans cette belle ville du Cap. Et puisqu'il y a un clin d'oeil à La patrouille de l'aube, pas inutile de noter que Nicol est traduit avec brio par Jean Esch, à l'oeuvre également sur le romans de Don Winslow.

Rabbit hole (trad. Jean Esch), ed. La série noire, 514 pages, 22 euros
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