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The killer inside me

Littérature noire

La stratégie du lézard : Mafia 1 - Parme 0

Le maire de Parme s'est planqué au ski. Evidemment ! La police fouille dans les dossiers de la majorité, des adjoints sont interpellés. Il y a un vrai vent de panique, en plus d'une neige abondante. Plus terre à terre, le commissaire Soneri va rendre service à une amie d'Angela, sa compagne avocate : cela fait trois nuits qu'un portable sonne en dessous de chez elle, comme abandonné sur la berge du torrent. Il retrouve bien le téléphone. Mais il découvre aussi que plusieurs hommes sont à la recherche d'un chien, un braque. Et voilà que la fourrière animale lui confirme que l'on vient de lui en emmener un, grognon et apeuré. Les services vétérinaires effectuent une radio : le chien a le bide farci d'ovules de came ! C'est une mule d'un nouveau genre. La situation se complique quand le maire de Parme disparaît de la station de ski. En pleine crise politique. Il tweete qu'il va revenir sous peu...
Le lézard, lorsqu'il veut échapper aux griffes de son prédateur, n'hésite pas à sacrifier un bout de son corps, sa queue. Lorsqu'elle se détache, elle bouge, donne l'illusion au chasseur que l'essentiel est là. Tout est dans cet artifice reptilien avec La stratégie du lézard, neuvième roman de Valerio Varesi, traduit en France.
Les amateurs de l'auteur parmesan replongent avec un plaisir non dissimulé dans le monde de Soneri, ses dialogues secs avec son inspecteur Juvara, ses joutes verbales, et pas seulement, sur le canapé d'Angela et puis ses moments de philosophie. Il y a toujours un partenaire, un compagnon nouveau pour partager avec lui ses grandes interrogations sur les hommes, la société. Cette fois, c'est un peintre faussaire noctambule.
La stratégie du lézard contient bien l'ADN de Valerio Varesi avec ses colères rentrées, ses espoirs si minces dans le socle démocratique, ses joies de gastronome. Sauf que cette fois, le dottore Soneri creuse dans la corruption, met à jour le patient travail des réseaux mafieux dans le monde économique et politique. Marchés publics ou secteurs privés, comme ici celui des pompes funèbres, tout est bon pour faire cent ou ne serait-ce qu'un million d'euros. Comment son nord, sa ville de Parme a-t-elle pu céder aux charmes de la crasse mafieuse ? " Je pense même que tous ceux qui supportent ces personnages s'y reconnaissent, et qu'ils approuvent leurs agissements parce qu'ils ont le même comportement. "
Une fois de plus l'auteur vise tellement juste non seulement dans l'analyse de cette corruption mais surtout dans l'analyse de ce qu'il appelle " le contexte ", la société qui laisse faire, qui dit presque " et alors, ils ont raison... " Ecrit en 2014, La stratégie du lézard sort au moment où la population italienne exprime son rejet, voire son dégoût, de la droite comme de la gauche. Parfois à juste titre. Mais c'est aussi la période quand émerge le mouvement populiste 5 stelle. Et Varesi, cocktail subtil de l'étudiant en philosophie qu'il fut, du journaliste qu'il est et de l'écrivain qu'il est devenu, démonte les mécanismes d'un monde qui ne profite qu'aux scélérats, à l'image de son personnage Ugolini, commanditaire abruti de faux tableaux. L'auteur parmesan parle de sa ville, de sa gangrène mafieuse mais il pourrait tout aussi bien parler de la Côte d'Azur, de la Corse ou de Baltimore... Et pour ne rien gâcher, Varesi garde cette plume amoureuse des belles choses, des "lumières muscat" comme des risotto à la truffe.

La stratégie du lézard (La strategia della lucertola, trad. Florence Rigollet), ed. Agullo, 389 pages, 22, 90 euros
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