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The killer inside me

Littérature noire

Le chevalier et la mort : corruption et testament littéraire

Dans une ville d'Italie, l'avocat Sandoz vient d'être assassiné. Dans l'une de ses poches, un carton de conférencier au nom de Cesare Aurispa, sur le quel est inscrit à la main, Je te tuerai... L'affaire est d'une sensibilité maximum pour le Chef et l'Adjoint de la police car Aurispa est ni plus ni moins que l'homme le plus puissant et le plus influent de la région, président des Industries réunis. Quand on parle de lui, ici, on dit le Président. Pour le Chef de l'Etat, on dit le Président de la République. C'est dire.
On est en 1992 et un curieux groupuscule, "les enfants de 89", vient de reconnaître l'assassinat de Sandoz. Pour l'adjoint, bien sûr, les choses sont plus complexes. Il retrouve les participantes du dernier dîner entre Aurispa et Sandoz, et malgré la pression, parvient à les faire parler. Sa hiérarchie hésite à la laisser ainsi fouiller une piste aussi dangereuse.
Le fin connaisseur de l'oeuvre de Leonardo Sciascia appréciera sans doute chaque mot pesé, chaque virgule du Chevalier et le Mort. Mais celui qui découvre cet immense auteur sicilien restera autant subjugué par la maîtrise de l'intrigue que la finesse du style. Tout en dénonçant la corruption de la société italienne, Sciascia parvient à écrire une forme de fable, qui parle de son pays certes, mais parle de lui également. Parce que ce roman, son avant-dernier, a été publié alors que l'écrivain se savait très malade, pour ne pas dire condamné. On retrouve donc, dans l'adjoint, beaucoup de lui : la souffrance dans sa chair après des années de nicotine,  l'émerveillement jamais émoussé devant les vers de Victor Hugo, cette soif de vérité et ce moment de faire le bilan. " Les roses que je n'ai pas cueillies, pensa-t-il. Mais il n'était pas vrai, il n'est pas vrai que la vie est faite d'occasions manquées. Aucun regret. " La plume de Leonardo Sciascia est d'une élégance folle e d'une douce intelligence, de celle qui n'en rajoute pas.
Beaucoup de mélancolie se dégage de ces pages, il y a également un côté Sisyphe dans l'enquête de l'adjoint mais il est surtout question d'âme, d'humanité, de courage. Frissonnant de beauté.

Le chevalier et la mort (Il cavaliere e la morte, trad. Mario Fusco et Michel Orcel), ed. Sillage, 93 pages, 9, 50 euros
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