Préparer l'enfer ou l'ascension d'un parti politique sur la paranoïa sécuritaire... anticipation ?

Préparer l'enfer, de Thierry di Rollo, est un polar politique d'anticipation. Et mazette ! , il y a eu quelques saillies politiques chez nos auteurs français de romans noirs cette année : Les Harmoniques de Marcus Malte, L'honorable société de DOA et Manotti (tiens, tous à la Série Noire !) et, sous d'autres tropiques, l'an passé cette fois, le génial Australia Underground, d'Andrew MacGahan (vous ne l'avez pas encore lu ?...) .Thierry di Rollo étire moins sa critique et ses angoisses et ramasse ses craintes en 150 lignes très serrées. Et glaçantes.

Soit Mornau, un ancien gamin de province, un peu paumé, à l'amour adolescente déçu, qui se fait engager par un mouvement appelé Le Sursaut. Son job : zigouiller quelques pauvres hères, histoire de semer un peu plus la peur dans la populace. Et ainsi faire accéder au pouvoir, à l'occasion des présidentielles, le parti du Franc, vitrine officielle du Sursaut. Tout cela, Mornau le raconte à Louran, le flic venu l'interpeller après un énième trucidage de sans papiers. Le zélote criminel raconte son éducation politique, les ressorts psychologiques de la théorie de son mentor, les batailles au sein du mouvement... Dans un monde, vraiment très proche, de voitures électriques - pour partie - et de caméras de surveillance (système HyperOpsis) à tous les coins de rues, le propos de Mornau, son idée de démocratie ajustée, font froid dans le dos, indisposent. Car Thierry di Rollo affiche l'absence de sentiments de son personnage, son côté fonctionnaire des basses besognes au service de la paranoïa généralisée. On est entre 1984 et Brazil...

L'issue du roman laisse un peu perplexe, frôle la caricature et on se dit que l'auteur exagère un tantinet. Sans doute à dessein. Mais cette manipulation de l'opinion, des médias, n'est évidemment pas sans nous rappeler l'actualité.

Pour mieux saisir, quelques extraits : " HyperOpsis a ton profil. HyperOpsis a le profil de tous les gens potentiellement fichables, c'est-à-dire tour le monde, excepté les rejetons encore à naître...

Il a pourtant de bonnes idées. - Lesquelles ? - L'identité nationale, toutes les lois restrictives, sa politique de l'immigration choisie, la reconduite aux frontières de tous ceux qui n'ont rien à faire ici...

La frustration engendrée par la réduction douce des libertés doit être rééquilibrée par une lecture positive, consensuelle, et surtout compatissante des événements. L'illusion du libre arbitre passe par la culture du groupe...

Réduire la liberté, donner l'illusion qu'elle est intacte parce qu'on peut encore se battre pour la conserver, lier ce bouillonnement social avec la coercition et la culture de la peur. Et la paranoïa sécuritaire..."

Préparer l'enfer, Thierry di Rollo, ed. Serie Noire/Gallimard, 157 pages, 13 euros.