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The killer inside me

Littérature noire

Mai 67 : le Bloody Sunday de la Guadeloupe

Mai 67, dernier acte, a priori, de la trilogie gaulliste de Thomas Cantaloube, démarrée il y a quatre ans avec Requiem pour une République. Mai 67 pour la date de la répression sanglante d'une manifestation pacifique à Pointe-à-Pitre qui réclamait, dans le désordre, des hausses de salaire, moins de racisme et un peu de libertés. Le préfet de l'époque fait donner les snipers de la République et huit Guadeloupéens mordront la poussière, sans que jamais personne ne soit inquiété. Mieux, dix-neuf manifestants sont transférés manu militari à Paris, en attente d'être jugés pas la toute nouvelle Cour de Sûreté de l'Etat. Ah la belle époque du Général...
Parmi les 19 embastillés, il y a Lucille, la femme de Luc Blanchard, l'ancien flic de la trilogie, devenu journaliste à France Antilles. A Pointe-à-Pitre se trouve aussi une ancienne connaissance : Sirius Volkstrom, mercenaire envoyé par la CIA pour trouver des hommes capables de s'impliquer dans un complot anti-franquiste. Et puis, il y a l'ancien homme de main du Milieu corso-marseillais, Antoine Lucchesi, devenu skipper pour riches blancs. Evidemment que le lecteur peut se dire que c'est un peu gros, cette triple coïncidence, mais c'est aussi le charme de la fiction, qui se fait le plaisir de reconstituer le trio pour écrire l'histoire. Celle du Gong donc, organisation indépendantiste guadeloupéenne. Celle aussi de la Préfecture française, de ses basses oeuvres. Celle, plus globalement, d'une France raciste comme le démontrera la mascarade du procès des "insurgés" de Mai. De quoi revoir d'une manière différente ces années 60 tant vantées par les anciens...
On peut reprocher à Thomas Cantaloube un style très classique, très posé. Assez journalistique en somme. Il a pourtant sous la main une matière qui pourrait le pousser à l'outrance des situations, que ce soit avec cette scène de la manifestation ou simplement avec le personnage de Sirius. Mais il y a des limites que l'auteur se refuse de franchir. Le plaisir de lecture n'en est pas moins là, avec une intrigue triple qui se recoupe lorsque nécessaire, pour finir en point d'orgue, ou presque, un an plus tard, dans le Quartier Latin. D'une lutte à l'autre. C'est très malin.

Mai 67, ed. La Série Noire, 355 pages, 19 euros
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