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The killer inside me

Littérature noire

Douglas Kennedy à Bastia : " en Australie, une femme de 200 kilos avait décidé que j'étais l'homme de sa vie.."

Douglas Kennedy à Bastia : " en Australie, une femme de 200 kilos avait décidé que j'étais l'homme de sa vie.."

Il surgit tel qu’on l’imagine : lunettes noires et petit short. A la fraîcheur de l’ombre du Pietracap, Douglas Kennedy, monument de la littérature américaine, chargé d’assurer l’ouverture des 1res rencontres littéraires de Bastia, met les points sur les i, « moi c’est Douglas, pas monsieur Kennedy ! » L’homme, chargé d'ouvrir les rencontres littéraire Una Volta, Dui Mondi, a vendu plusieurs millions de ses 16 premiers livres en France, il est désormais traduit dans 22 langues mais il conserve cette cool attitude typiquement américaine, mâtinée du raffinement des résidants de la côte Est. L’auteur d’A la poursuite du bonheur, de La femme du Ve, de Piège nuptial (ex-Cul-de-Sac) revient sur le devant de la scène avec Murmurer à l’oreille des femmes... Après avoir écouté son intervention devant près de 200 personnes dans les jardins du musée, on se dit qu'il a quand même qu'il a des bonnes phrases toutes prêtes. Ou alors les questions sont toujours les mêmes ! Un professionnel en somme.

Premier recueil de nouvelles. C’est un exercice fréquent chez les Américains, mais en France, on en lit moins. Pas peur de décevoir ?

J’ai commencé à en écrire, il y a 13 ou 14 ans, toujours pour des commandes de journaux, de magazines, d’hebdos, la BBC aussi. J’adore les nouvelles. En France, il y a quand même eu Maupassant non ? Tchekhov en a écrit de magnifiques. Beaucoup d’auteurs irlandais aussi. Et Graham Greene. Mais c’est vrai qu’il y a une tradition américaine. C’est une forme très sérieuse où l’on peut créer un petit monde. C’est autre chose que le roman, qui est un mariage en quelque sorte, tandis que la nouvelle, c’est une aventure.

Le titre Murmurer à l’oreille des femmes ?... Vous n’avez pas envie de hurler plutôt à l’oreille des femmes ?

C’est un titre choisi par mon éditrice ! Elle a trouvé ça, je crois dans l’article d’une journaliste du Figaro ou L’Express, « Douglas Kennedy murmure à l’oreille des femmes ». La moitié de mon œuvre est dans la peau d’une femme finalement. La vérité, c’est que dans le monde entier, ce sont les femmes qui lisent. Et très bien. Mais je n’ai jamais eu une démarche commerciale dans mon écriture, si je m’impose un niveau littéraire, cela reste toujours très accessible.

Dans 5 jours, il était question de mariage et de mariage fini. Cette institution n’est-elle pas devenue ringarde à l’heure des rencontres sur internet ?

Dans Murmurer à l’oreille des femmes, le sujet constant c’est celui des couples ratés. Et puis, un couple heureux, est-ce qu’il a une histoire ? C’est comme les Trois petits cochons, sans le grand méchant loup, il n’y a pas de drame. Je dois ajouter que tout le monde adore les cauchemars des autres. Regardez le taux de divorce est à 55 % ! Mon sujet c’est donc toujours les inquiétudes modernes. Et dans mes nouvelles, la question est pourquoi et comment on rate le bonheur ? Si quelqu’un me dit qu’il n’a jamais raté le bonheur, je lui dis... menteur !

L’adultère, c’est facile d’écrire dessus aux Etats-Unis ?

On en parle partout de l’adultère. C’est plus pudique mais j’imagine qu’en Corée du Nord aussi l’adultère existe, non? C’est la condition humaine.

Vous êtes de nouveaux édité dans votre pays depuis 2007. Est-ce qu’il y a plusieurs types de lectorat : la côte Est, le midwest, la Californie ?

Non. Depuis les années 60, la période Nixon et 68 particulièrement. Nixon a gagné la Maison Blanche parce qu’il a commencé une guerre culturelle. La majorité morale, celle de l’Amérique profonde, était contre les élites. Et ça, c’est partout dans la culture américaine. Il y a donc deux Amériques. Et je suis le type d’Américain que le parti républicain déteste : je suis de New-York, artiste, avec des idées progressistes, j’ai des amis homosexuels, je bois du vin et, peut-être le plus grand pêché mortel : je parle français ! Mais la vérité, aux Etats-Unis, regardez Sarah Palin, elle est très fière d’être complètement ignorante. Et c’était la même chose avec Georges W. Bush... Obama est un homme brillant mais dans une situation absolument impossible avec un congrès, franchement proche de l’extrême droite, du Tea Party, même si ce n’est pas le Front National. C’est aussi ce qui fait que nous avons une littérature très riche aux Etats-Unis parce qu’on est une société schizophrène, à la fois brillante et ignorante, laïque et très, très pratiquante : 70 % de la population croît en Dieu. Et j’ai vu un sondage où 48% des gens pensent que les anges existent !... J’ai habité en Europe de 1977 à 2011. En 2007, j’ai acheté une maison dans le Maine. Je vis donc entre l’Europe et les Etats-Unis et même plutôt entre New-York et le Maine. Pour moi, c’était essentiel de revenir car son pays, c’est comme sa famille.

Vous avez passé plusieurs années à Dublin, pour nourrir vos racines irlandaises ?

Non, j’étais au Trinity College de Dublin pour étudier. Ensuite je suis rentré aux Etats-Unis et je suis reparti en Irlande au bout de 18 mois. J’ai créé une compagnie de théâtre, j’ai dirigé un petit studio de théâtre national, quand j’avais 23 ans.

Avez-vous encore envie d’écrire du théâtre ou est-ce trop compliqué ?

Non, ce n’est pas compliqué. Au départ, je voulais être dramaturge mais j’étais médiocre. Et puis j’ai écrit mon premier récit de voyage, j’ai déménagé à Londres et ma vie a commencé à changer surtout après L’homme qui voulait vivre sa vie. Mais je pense que je vais écrire quelque chose pour le théâtre cet été. J’ai eu une idée, pour la première fois depuis 25 ans. Donc on verra... J’ai terminé mon prochain roman il y a cinq jours. C’est un soulagement immense. C’est mon 17e livre.

Avec, toujours, cette trame du couple en difficulté ?

Chaque roman est complètement différent. J’ai des thèmes récurrents comme tous les écrivains : il faut cultiver notre jardin ! Les écrivains ont leur petit jardin et chaque roman est différent, je n’ai jamais écrit le même roman. Il y a des romanciers qui chaque année font la même chose mais il y a un gouffre entre Piège nuptial et La femme du Ve. Entre Cinq jours et mon prochain roman... qui se déroulera au Maroc, où je suis allé je crois treize fois.

A propos de Piège Nuptial, une partie de cette histoire dingue vous est arrivée ?

C’était en 1991, après mon troisième récit de voyage, Combien, j’ai décidé de voyager en Australie. A Darwin, j’ai acheté un 4X4 et j’ai décidé de filer plein ouest et sud, vers Perth. 5 000 kilomètres tout seul. C’était hallucinant. Darwin est une ville de 40 000 habitants, Perth d’un million d’habitants et entre les deux, peut-être 5 000 personnes à peine vivent. C’est vaste et vide. Je me souviens bien d’avoir fait 300 kilomètres, sans absolument rien... Un copain qui bossait pour ABC m’a dit si tu cherches quelque chose de bizarre, cherche Wistlenoon, un village dans le nord ouest. A 400 kilomètres de nulle part et heureusement que pour les 100 derniers kilomètres j’avais un 4X4 parce que ce n’était même pas une route. Même le nom de ce village a été enlevé des cartes australiennes. Mais 50 habitants ont décidé d’y rester. Donc je me suis dit pourquoi pas... Je suis arrivé, le village était sale, j’étais le premier client de l’hôtel depuis six mois, il y avait un Californien qui ressemblait à Charles Manson, complètement taré. A 18 heures, tout le monde était au bar et à 18 heures 30, tout le monde était bourré ! Et il y avait une femme de 200 kilos qui avait décidé que j’étais l’homme de sa vie. Mais le problème, comme je l’écris dans le roman, c’est que c’est impossible de conduire la nuit dans l’ouest australien, à cause des kangourous. Tout le mond eme disait de ne jamais conduire de nuit dans l’outback. Donc j’ai quitté le village, juste avant l’aube.

Vous faites confiance au même traducteur, Bernard Cohen, depuis longtemps. Vous vous relisez en français ?

C’est une vieille histoire, un vrai mariage, depuis 1997. Je viens de recevoir sa traduction d’une de mes nouvelles, aujourd’hui. C’est mon éditrice qui l’a trouvée et ça marche. Même si je suis à l’aise dans la langue de Molière, c’est trop tard pour l’écrire. Franchement, la langue française est complètement différente, ça sonne différent, le rythme est différent.

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