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The killer inside me

Littérature noire

Un moindre mal : le diable a pris ses quartiers à Cape Cod

Les années 50 semblent pour les Américains l'un des moments clés de leur époque moderne, celui des derniers grands affrontements entre le Bien et le Mal. Historiquement, c'est à ce moment que les grandes luttes sociales ont eu lieu c'est vrai. En littérature, Ellroy, entre autres, a longuement développé son LA de cette décade, jusqu'au dernier recueil LAPD's 53, et puis il y a eu aussi cette année, l'excellent Les morsures du froid et voici maintenant Un moindre mal, premier roman de Joe Flanagan, campé toujours Côte Est, mais à Cap Cod, presqu'île au sud de Boston. Là, Warren, le patron par intérim de la police locale est un ascète, un vertueux, incapable de marcher dans la moindre magouille, brisé à la fois par la guerre, la fuite de sa femme et la maladie mentale de son fils Mike. Lorsque le corps d'un enfant de 8 ans est retrouvé, pour cette petite équipe de police de Barnstable, c'est LA grosse affaire. Des premiers suspects sont interpellés, cuisinés. Le procureur demande à Warren et son équipe de collaborer avec la police d'Etat pour retrouver plus rapidement le coupable. Patron de ces supers flics, Stasiak, est une brute, décorée à Iwo Jima, tombeur d'un gang de Boston. Immédiatement, il entre en conflit avec Warren, lui cachant une partie des infos récoltées. Un autre meurtre d'enfant et cette fois l'enquête est vraiment retirée à la police locale. Qui s'intéresse alors au passage à tabac d'un citoyen dont la femme et la fille vont très vite disparaître. Pendant ce temps, un troisième personnage, le père Boyle accueille avec une rare empathie les enfants handicapés du coin, dont le fils de Warren.

Véritable puzzle, Un moindre mal est d'abord une immense lutte entre le diable Stasiak et l'archange Warren. Il y a quelque chose de très religieux et de très moral chez Joe Flanagan. Quelle est la pire menace pour la société : le flic corrompu et ses méthodes qui ruinent la démocratie ou le pervers sexuel qui foudroie l'innocence (la pureté ?) ? Lequel s'est le plus écarté du droit chemin ? Même s'il ne donne pas dans les bondieuseries, le héros de Flanagan a tout du chevalier blanc, protecteur des faibles, délicat avec la jeune Jane qui garde son fils, prévenant avec la communauté homosexuel et incroyablement courageux pour s'opposer à la bête Stasiak. On le surprend à peine à s'acheter une flasque de whisky ! Mais le lecteur marche dans cette image de héros, avec cet esprit sacrificiel et suit avec fièvre ses deux enquêtes sur l'assassin d'enfants, dossier parallèle, et le trafic de paris qui, petit à petit, croise la première affaire. Cette seconde partie, bourrée de malfrats bien dégueulasses, est d'ailleurs la plus réussie, avec comme d'habitude sa progression morceau par morceau, ses indices distillés, tout ce qui fait un polar réussi en somme. Roman, une nouvelle fois, de la part sombre de l'Amérique, Un moindre mal a de vrais éclairs de génie (les scène de la descente à l'Elbow room, celle sur le parking du motel...), grâce à ces personnages forts et aussi, il faut le dire, à cette corruption qui rend tout possible. Y compris le pire. On peut être un peu dubitatif sur le rôle de l'ex femme de Warren, plutôt opportun comme rebondissement, et aussi sur la fin, vraiment politiquement correcte. Pour le reste, 470 pages, d'une écriture solide et parfois émouvante.

Un moindre mal (trad.Janique Jouin - de Laurens), ed. Gallmeister, 470 pages, 24, 10 euro.
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