Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

Les ombres de Oak Island : les années 80 en Caroline du Nord

A Oak Island, sur un bout de terre paradisiaque de la Caroline du Nord, Winston Barnes est un shérif en fin de carrière. Mais il se doit de candidater pour un autre mandat : sa femme est atteinte d'un cancer et, le système médical américain étant ce qu'il est, il faut continuer de bosser. Winston doit aussi composer avec le retour inopiné de sa fille, Colleen, partie précipitamment du Texas où elle vit avec son mari : depuis que son enfant est mort né, forcément, il y a quelque chose de brisé. En ce soir d'octobre 1984, le shérif d'Oak Island est toutefois préoccupé par autre chose : un avion de tourisme vient de se poser en catastrophe sur le petit aérodrome de la ville. Aux pieds de l'appareil, le corps sans vie de Rodney Bellamy, le fils d'un prof noir du lycée connu pour son engagement contre la ségrégation... le mois d'octobre va être chargé pour Winston Barnes.
Avec Les ombres de Oak Island, Wiley Cash ne réinvente pas le polar mais il propose une très puissante balade dans ce sud côtier, sur ces routes, ces ponts, avec toujours l'océan ou un plan d'eau dans le coin du regard. Un sud pas si tranquille puisqu'il se laisse doucement grignoter, comme ailleurs, par un tourisme de résidences secondaires qui aiguise les moins nobles appétits. Mais cet aspect n'est qu'en second rideau : il est d'abord ici question de racisme et de ségrégation. C'est 1984, l'arrivée de Reagan aux affaires, et les suprémacistes bombent encore le torse. Comme ce jeune aspirant shérif, concurrent de Winston Barnes. Le personnage est un peu caricatural mais en est-on si certain finalement ? Ce quatrième roman de Wiley Cash a reçu les honneurs avec un Southern book prize for fiction à sa sortie. Et il faut reconnaître que le personnage de shérif, son environnement, sont savoureux et il y a une scène très réussie lorsque Colleen rend visite à la jeune veuve de Rodney Bellamy et qu'elle prend quelques secondes son bébé dans les bras...  Très réussi également l'approche de la question raciale, amenée avec justesse à travers Ed Bellamy, le professeur noir, tout en colère à peine contenue. C'est la finesse de cette observation des humains qui remporte la mise dans Les ombres de Oak Island, Wiley Cash se faisant aussi bien auteur que sociologue de ce bout du monde américain.

Les ombres de Oak Island (When ghosts come home, trad. Jacques Collin), ed. Seuil, 334 pages, 22 euros
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article