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The killer inside me

Littérature noire

Le bikini de diamants : la deuxième vie de Choo-Choo Caroline

Soixante ans après sa première publication

Le bikini de diamants, de Charles Williams, est toujours aussi suave. Le type même du roman noir, très drôle, qui ne prend pas une ride, grâce à une narration parfaitement carrée, des personnages intemporels et le talent, il faut bien le dire, de l'auteur. D'abord publié en France à La Série Noire, sous le titre toujours très sixties de Fantasia chez les ploucs, il revient donc cette fois sous son titre original, plutôt bon d'ailleurs, et sous la plume traductrice de Laura Derajinski, habituellement attachée aux textes de David Vann. C'est dire que le travail est sérieux.

On retrouve donc Billy Noonan avec son père Pop, prenant quelques jours de repos dans la ferme de Sagamore, le frère de Pop, quinquagénaire acariâtre et surtout en pétard après l'administration, le fisc et le shériff local. Sur la grande propriété, l'oncle Finley, un peu illuminé, construit une arche en bois, avec des planches qu'il dérobe ici et là, un bateau censé le sauver du déluge prochain. Et puis voilà qu'une voiture tirant une caravane arrive. A son bord, un homme, au portefeuille bien garni. Il cherche un endroit calme pour la fille qui l'accompagne : Mlle Harrington. Une beauté pure, toute en jambes, en bronzage, avec guère de tissu pour masquer l'ensemble. Une fille de cabaret, en fait, en fuite après avoir été le principal témoin d'un assassinat à La Nouvelle-Orléans, Des tueurs ne vont d'ailleurs pas tarder à débarquer et Mlle Harrington, de son vrai nom Choo-Choo Caroline va disparaître alors qu'elle prenait un bain. Pop et Sagamore, ingénieux comme personne, vont imaginer un petit quelque chose pour se faire quelques dollars...

Le ton de Charles Williams est simplement incroyable, tournant une situation dramatique avec un, deux, trois, quatre, cinq cadavres en une farce irrésistible qui célèbre l'imagination des gens de la campagne. Polar rural avant l'heure, Le bikini de diamants n'a qu'une unité de lieux : quelques hectares de broussailles sèches, légèrement vallonnés,  entre une ferme et le lac qui la borde, bientôt agrémentés d'une fête foraine improvisée, de milliers de voitures et autant de personnes venus chercher Choo-Choo Caroline. Le personnage de Sagamore Noonan est délicieux, prenant toujours le pauvre shériff à revers. Murph, l'ami des hamburgers, n'en revient pas : " fiston te laisse jamais avoir par son numéro, les pieds nus, la salopette et tout, c'est un génie. Le seul, le véritable et l'unique génie que j'ai jamais croisé." La longue scène du commissariat avec les prétendus bocaux d'alcool de contrebande entre directement dans la légende du roman noir ! Et puis ces filles de cabaret !  Baby Collins, allumeuse en nuisette qui interpelle : " salut, chéri, elle a dit au shériff. Pourquoi t'attacherais pas tes chiens pour venir te mettre à l'abri du soleil ? Allez, on ouvrira un paquet de corn-flakes"... La vision de l'histoire, par les yeux de Billy, donne également un ton décalé, irréel, étouffant la violence des adultes, offrant une patine innocente là où il n'y a que crime et escroqueries.

Un incontournable, bienvenu dans cette rentrée. avec une postface de François Guérif très intéressante sur l'auteur, quelques anecdotes en prime.

Le bikini de diamants (trad. Laura Derajinski), ed. Gallmeister, 235 pages, 9 euro.
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C
Oui Cannibal, c'est celui-là même. Malheureusement, je n'ai plus la version de La Série Noire donc je ne peux pas comparer cette fois. Je pense que dans les dialogues, il y a forcément du changement si on se réfère aux habituelles traductions de la la SN, toujours très argot parisien. Et puis pour 9 euros, ça va, c'est pas trop cher.
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T
Hello ^^<br /> <br /> En voyant le résumé, je m'étais dit que ça ressemblait furieusement à fantasia chez les ploucs, qui m'avait fait piss** de rire. Je constate donc que j'avais bien raison et que ce n'était pas une nouvelle aventure de mon oncle préféré : Sagamore !<br /> <br /> Mais si nous avons une nouvelle traduction, je mettrai la main au portefeuille parce que ce roman là était excellent !!
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