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The killer inside me

Littérature noire

" Trois années à chercher des informations"

 

 

 

Prix des lecteurs Quais du Polar, il y a dix jours, prix de Beaune la semaine dernière, La guerre est une ruse (Agullo édition), premier volume d'une trilogie consacrée au djihadisme en France et dans le monde s'impose comme le roman de référence sur ce thème peu abordée dans la fiction tricolore. Son auteur, Frédéric Paulin 47 ans, a beaucoup écrit sur le rock (les Cramps, Motorhead) tout comme une vingtaine de romans dont certains sous pseudo dans la galaxie SAS. En mars est sorti le deuxième volume, Prémices de la chute, une suite de 1996 à 2001, du Gang de Roubaix aux grottes de Tora Bora.

 

Comment on digère ces prix successifs ?

Celui de Quais du Polar fait tout particulièrement plaisir parce que c'est un prix de lecteurs dans un sacré festival. Je ne vais pas bouder mon plaisir ! Pour moi ce sera difficile de faire mieux. Et celui de Beaune, il vient de professionnels, c'est un autre aspect qui me comble.

 

Comment est né l'idée d'une telle trilogie ?

Après les attentats de novembre 2015, j'entendais beaucoup de monde dire « mais qu'est ce qu'il se passe ? Comment c'est possible ? On n'a jamais vu ça... » Mais moi je me souvenais, quand j'avais 20 ans, de l'Algérie du début des années 90. Et surtout de Khaled Khelkal, je n'ai vraiment pas oublié ces attentats. Je me suis dit que ce serait très intéressant d'écrire sur un tel sujet, de montrer à quel point le passé peut expliquer notre réalité, notre quotidien. C'est ma marotte. J'ai toujours pensé que le polar, le roman noir avait cette capacité d'explication du moment présent.

 

Vous êtes vous imposé une documentation gargantuesque, des rencontres avec des agents du Renseignement ?

Je n'ai vu aucun policier, aucun agent, je n'ai pas ces contacts-là. Par contre je suis un très gros lecteur de presse, depuis longtemps. Donc à partir de la fin 2015, j'ai fait presque un travail universitaire, j'ai compulsé des montagnes de documents et en même temps que je commençais l'écriture, je continuais les lectures. Trois années à chercher les informations, à lire des revues, des romans algériens sur le sujet aussi et des livres de spécialistes. Dont ceux de Gilles Keppel qui est un des chercheurs les plus clairs dans ce domaine. J'ai beaucoup bossé mais j'ai envie de dire que c'est à la portée de tout le monde ! Par contre je n'ai pas cherché de scoops, il n'y a pas des révélations dans mes livres, juste des informations que peut-être on a oublié.

 

Est-ce que tout est vrai dans vos deux premiers romans ? Dont ces informations avant le 11 septembre 2001, que le FBI refuse de livrer à la CIA à propos de terroristes présumés sur leur sol ?

Oui. Les attentats arrivent aussi parce qu'il y a une confusion, une mésentente entre les services de renseignements, c'est clair. Les rapports tendus entre FBI et CIA, c'est vrai. Comme plus tard entre la DST et la police française. Ce cafouillage généralise qui n'a pas touché que la France est vrai. De même l'enlèvement des moines de Tibehirine en Algérie a été manipulé par une partie du gouvernement algérien, dans un jeu à plusieurs bandes, cela a été étayé par des spécialistes et des repentis du GIA. Je ne dis pas que c'est une volonté de tout le gouvernement mais plutôt l'idée folle de quelques uns pour obtenir le soutien de la France. Ils ont manipulé le GIA pour leur faire porter le chapeau. Et dans l'action, certains sont allés plus loin en se disant qu'en tuant les moines, ils mettraient les organisateurs du rapt dans la panade... c'est un raccourci mais grosso modo c'est le scénario.

 

Compliqué de romancer une telle masse d'informations ?

Pas forcément. Je tenais le personnage de Tedj Benlazar, agent de la DGSE, de parents franco-algériens, c'est une métaphore de ce qui lie les deux pays. Un agent de l'Etat français qui voit que la situation dépasse tout le monde. Il va comprendre des choses. Pour tout dire, l'idée d'en faire un type meurtri par la disparition de sa femme, qui parle à des morts, m'est venue en pleine nuit, je dormais et c'est venu à deux heures du matin ! Quant au journaliste, j'ai aussi exercé en Bretagne pour un quotidien local et je sais que parfois quand je voulais écrire sur un sujet disons complexe, on me disait « mais non, ça c'est pas pour nous »... C'est un personnage pratique, parce qu'il est un peu candide et surtout il peut aller là où des policiers ne peuvent pas.

 

A quand le troisième volume ?

Mars 2020. Cette fois on fera un petit saut dans le temps, en partant de 2010, pour parler de Daech, de ces gamins français partis en Syrie. J'ai pu avoir la confiance de mon éditeur, Sébastien Wespiser a été le premier à lire le texte en me disant c'est ce que je veux. Et puis il y a eu le suivi par Estelle Flory qui m'a chapeauté, qui m'a retenu. Peu  de maisons d'édition se serait saisi d'un sujet pareil.

 

(photo@jmignot)

 

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